13 avril 2012
>>Élie Castiel
Un espace scénique minimaliste dépouillé de tout artifice, sauf un, une sorte de caméra low-tech, qu’on retrouve sans doute difficilement sur le marché. De temps à autre, l’objet voyeur s’installe sur scène en provenance, métaphoriquement, des Cieux. L’instrument du regard renvoie sur un fond-écran la projection d’un homme seul sur scène. Et comme s’il s’agissait d’un miroir passablement déformant, elle capte le corps de l’homme, comédien devant l’Éternel, son visage, sa gestuelle, ses mouvements parfois sinueux, ses déhanchements poignants et saccadés.
Lui, l’Humain, conduit dans cette aventure par une idée lumineuse et intimement inspirée, parle de nul autre que de Jésus. L’Enfant de Nazareth, le Sauveur de l’Humanité. De la part de Rick Miller, aucun manque de respect, mais une déconstruction de la foi, de la liturgie. Une remise en question des Origines.
Tout d’abord, un procès, celui de l’antisémitisme, phénomène inexplicable toujours présent, deux fois millénaire, issue de la Croix. Ses causes, ses répercussions, ses malheurs, ses débordements, tout cela pour un homme qui est né, a vécu parmi les siens et s’est sacrifié pour eux, et comme eux, mort Juif. Devant un sujet aussi éclatant, Miller se refère aux quatre écrits saints pour proposer un discours/débat sur la notion de la foi chrétienne. Il éclabousse certains passages, se permet quelques irrévérences et, mine de rien, occupe l’espace scénique pour exorciser ses propres démons.
Sans pour autant flirter avec le populisme, le co-auteur/comédien demeure toujours accessible. Son ton est intentionnellement iconoclaste, subversif, polémique, situant le personnage dont il est question dans une dynamique sociale, religieuse et culturelle à la fois millénnaire et cotemporaine. Il est question de la famille, des rapports sociaux, du bilinguisme, de la publicité, des médias, de notre intime, de la culture pop, qu’il s’agisse de Star Wars, des Beatles et même de la Dorothy de Wizard of Oz de 1939, et bien entendu, de religion.
Avec Bigger Than Jesus, nous sommes les témoins privilégiés d’une confession intime, d’une relecture de la notion de sainteté, un espace réel et virtuel de réflexion et de méditation où Miller provoque l’auditoire, l’entraîne à brièvement participer à son examen de conscience. Mais aucun discours haineux ou verbiage apocalyptique envers le sujet abordé, plutôt un ton rassembleur, une idée du partage. Et en fin de compte, nous sommes devant une expérience théâtrale vibrante et nécessaire, une messe de l’âme et de l’esprit menée par un comédien hallucinant, une véritable bête de scène. On sort de cette expérience, ébranlé et émerveillé.
SPECTACLE SOLO | Auteur : Rick Miller, Daniel Brooks – Traduction : Marie Gignac, Rick Miller – Mise en scène : Daniel Brooks – Comédiens : Rick Miller – Scénographie / Vidéo : Beth Kates, Ben Chaisson – Éclairages : Beth Kates – | Durée : 1 h 20 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 21 avril 2012 – Théâtre Denise-Pelletier (Salle Fred-Barry).
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