En salle

Wakolda

7 mai 2014

LE FILM DE LA SEMAINE

En quelques mots

Texte : Élie Castiel
Cote : ★★★★

Ce qui distingue Wakolda des autres productions du genre, c’est sa froideur voulue, sa volonté d’accorder le temps nécessaire à des personnages fantomatiques qui semblent figés dans le temps. Mais cela ne les empêche pas de questionner tout ce qui se passe autour d’eux. Il est dommage que certains détails ne soient pas très expliqués et nous échappent : par exemple, le fait que la mère de famille (brillante Natalia Oreiro) parle allemand et nous montre des vieilles photos prises dans un camp de concentration nazi. Est-elle d’origine juive ? Jamais le film ne le confirme.

Mais cela importe peu puisque le but de Puenzo est de bâtir un scénario axé sur les moyens entrepris par un ancien nazi pour échapper aux Services Secrets israéliens dans leur chasse aux criminels de guerre. Malgré leur froideur et leur distanciation face à l’environnement autour duquel ils gravitent, les personnages évoluent tout de même en fonction des hasards de l’intrigue. Tous sauf un : le médecin allemand dont le rôle est soutenu par un Àlex Brendemühl d’une farouche force de persuasion. La réalisatrice semble placer ce protagoniste dans un espace intemporel, comme si l’Histoire s’était arrêtée. Fort de ses expériences maléfiques pendant le régime nazi, il n’a rien perdu de cette dangereuse habileté à dialoguer avec la mort par l’entremise de ses victimes.

Il y a, dans la plupart des films argentins qui se déroulent loin des grandes villes, et plus précisément dans des territoires vierges, un étrange rapport entre la nature et les individus : ici, une zone montagneuse aux paysages aussi tourmentés que les personnages qu’ils abritent. La mise en scène sobre et volontairement linéaire, évitant les symboles appuyés et refusant tout effet de style, privilégie le plan large, une façon comme une autre de situer les personnages et leur idiosyncrasie dans un environnement particulièrement hostile.

Par ailleurs, si le récit est raconté par la petite Lilith, faisant d’elle le personnage principal, le médecin allemand vient la rejoindre puisque c’est par lui que le drame arrive. Pour Lucía Puenzo, point de catharsis comme dans les tragédies grecques, mais une tendance à montrer que, malgré toutes les horreurs, la vie continue. En juxtaposant la candeur conciliante d’une famille au cynisme exacerbé d’un criminel de l’Histoire qui non seulement ne s’est jamais repenti, mais a continué de réaliser ses tristes expérimentations, la réalisatrice ne fait qu’exposer la dualité de l’être.

PRIX DE LA MEILLEURE  RÉALISATRICE (Lucía Puenzo)
Festival de la Havane 2013

Sortie : vendredi 9 mai 2014
V.o. : espagnol, allemand
S.-t.f. – Le Médecin de famille
S.-t.a. – The German Doctor

[ DRAME HISTORIQUE ]
Origine : Argentine / France / Espagne / Norvège – Année : 2013 – Durée : 1 h 34 – Réal. : Lucía Puenzo – Int. : Natalia Oreiro, Àlex Brendemühl, Diego Peretti, Florencia Bado, Guillermo Pfening, Elena Roger – Dist./Contact : A-Z Films | Horaires/ Versions/Classement : Beaubien Cinéma du ParcCineplex

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) (Mauvais) 1/2 (Entre-cotes) — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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