3 juillet 2014
En quelques mots
Texte : Élie Castiel
Cote : ★★★★
Dans Garçon, Alex van Warmerdam nous avait impressioné avec son humour intentionnellement déjanté, son cynisme flagrant, sa critique sociale acerbe et un côté glacial savoureux. La comédie assassine lui va comme un gant avec ce Borgman totalement déshumanisant.
Métaphore de la banalisation du mal, le nouveau film de van Warmerdam nous laisse une sensation désagréable de fin de civilisation. Le jeu des acteurs vibre au rythme d’une mise en scène nourrie par une caméra exceptionnelle qui bouge comme si le temps devait s’arrêter d’une minute à l’autre, comme si les personnages étaient pris dans un engrenage terriblement palpitant.
La famille y prend un coup. À l’instar du Pasolini de Teorema, ces anges exterminateurs venus du ventre de la terre se comportent comme des zombies, des êtres maléfiques dont le meurtre et la prise en charge de la société par le mal deviennent la norme.
Le plan le plus significatif demeure sans doute celui où la caméra jette un regard furtif sur la maison bourgeoise, cette fois-ci décolorée, sentant la mort, annonçant la fin d’une classe sociale (la bourgeoisie) vaincue par ses propres démons intérieurs, mais donnant ainsi raison à une nouvelle société violente qui, en fin de compte, n’est que la nôtre.
Mais le film vaut surtout pour la maîtrise de la mise en scène et l’esthétique sombre, contrastant parfois avec une fausse luminosité, illusoire, aveuglante, désespérée. Et comment ne pas souligner le rapport à la peinture : lorsque que Camiel (au jeu soutenu et implacablement diabolique de Jan Bijvoet), personnage principal, s’accomode à deux reprises sur le ventre de Marina (étonnante Hadewych Minis) dormant près de son mari, la référence au Nightmare de Nicolai Abraham Abildgaard (1800) ou au Cauchemar d’Eugène Thivier (1894) est inévitable et confirme jusqu’à quel point l’art pictural est si proche des images en mouvement.
Des films comme Borgman prouvent que certains réalisateurs des pays nordiques ont une prédilection pour le sinistre et le tourmenté et semblent avoir une vision incontestablement stérile de la vie. Certains spectateurs, faut-il l’avouer, auront un plaisir fou à savourer ces étranges images insolites qui semblent venues de l’ailleurs. En ce qui nous concerne, c’est magnifiquement conçu, diablement bien structuré, mais décidément déconcertant. Mais c’est sans doute cela qui rend ce film aussi indiscutablement percutant.
[ SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE ]
Origine :Hollande / Belgique / Danemark – Année : 2013 – Durée : 1 h 43 – Réal. : Alex van Warmerdam – Int. : Jan Bijvaert, Hidewyck Minis, Jeroen Perceval, Sara Hjort Ditlevesen, Alex van Wermerdam, Tom Dewispelaere – Dist. / Contact : EyeSteelFilm | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du Parc – Excentris
MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) ★ (Mauvais) 1/2 (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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