30 octobre 2014
En quelques mots
Texte : Élie Castiel
Cote : ★★★★★
En attendant The Revenant, prévu pour 2015, le nouveau film d’Alejandro González Iñárritu se classe sans contredit parmi les meilleurs films de l’année, en ce qui a trait, bien entendu, au cinéma américain. Sensuel, cool, sexy, enragé, parfois jouissivement naïf, ludique, volontairement cynique, bordélique à souhait, ne cessant d’interpeller notre regard du début à la fin, tel se présente Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance), un véritable coup de poing jeté sur le monde du spectacle, un regard aussi sur le pouvoir d’une certaine critique, sur ses injustices navrantes et ses ambiguïtés maladives.
Le film d’Iñarritu, c’est tout cela, et plus encore. La traversée d’un désert urbain assourdissant, sophistiqué, ironiquement intellectuel, orgiaque, tentaculaire, déjanté et décalé. Et pour Michael Keaton, sans aucun doute, le meilleur rôle de sa carrière. Entre un costume qu’il a porté dans une série de films populaires sur le personnage de Birdman et sa transformation en un homme de théâtre adaptant un écrit sur l’amour et ses conséquences, un univers qu’il doit apprivoiser, qu’il doit comprendre pour enfin se débarrasser d’une image qu’il traîne depuis longtemps et qui le gêne.
Et derrière cette tâche rigoureuse, un être égoïste, frondeur, mais aussi vulnérable, contagieusement paranoïaque. En l’incarnant, Keaton fait un retour en force au grand écran, prouvant qu’il fait partie des grands, de ces acteurs qui composent leurs personnages avec un aplomb démesuré, de ces comédiens qui, par leur intensité, transcendent le quotidien pour le rendre à la fois sublime et démentiel.
Et face à lui, Edward Norton, dans une forme splendide, lui donnant la réplique avec une virtuosité cérébrale et physique d’une incroyable énergie. Mais Birdman est aussi une mise en abyme, un film à l’intérieur du théâtre de la vie, une expérience hallucinante et sensorielle qui sépare le rêve de la réalité. Réalités de l’art, de sa construction, de ses velléités, de ses attraits, de ses répulsions et de ses compromis.
Malgré un faux côté superficiel et irrévérencieux, le film d’Iñárritu est d’une grande richesse sprituelle. Le scénario, magnifiquement élaboré par le cinéaste lui-même, avec la collaboration de Nicolás Giacobone et Armando Bo (coscénaristes de Biutiful), ainsi que d’Alexander Dinelaris, dont c’est ici sa première intervention, est d’une fluidité, pour la circonstance, cartésienne, à la limite du charnel.
Car Birdman, c’est également un regard sur le cinéma, sur son éthique visuelle, esthétique et narrative, sur la manipulation du plan, du cadrage, et de tous ces éléments filmiques qui constituent un tout, comme le plan-séquence qui, dans ce cas-ci, se révèle d’une incroyable virtuosité spatiotemporelle. On ne saurait oublier de souligner également à grand trait l’apport exceptionnelle du célèbre et incontournable Emmanuel Lubezki (entre autres, The Tree of Life de Terrence Malick et Gravity d’Alfonso Cuarón) dans la direction photo, d’une rare beauté, époustouflante, captant le Broadway exigu de la Grosse Pomme avec une notion physiquement temporelle et intrinsèquement radieuse de l’espace.
Nul doute, nous le répétons, Birdman or (The Unexpected Virtue of Ignorance) est l’une des plus belles propositions cinématographiques de l’année. Indubitablement, à ne rater sous aucun prétexte.
Genre : Comédie dramatique | Origine : États-Unis – Année : 2014 – Durée : 1 h 59 – Réal. : Alejandro González Iñárritu – Int. : Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts, Zach Galifianakis, Andrea Riseborough – Dist. / Contact : Fox Searchlight | Horaires / Versions: Cinéma du Parc – Cineplex
CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel) ★★★★ (Très Bon) ★★★ (Bon) ★★ (Moyen) ★ (Mauvais) 1/2 (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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