En salle

Big Eyes

23 décembre 2014

LE FILM DE LA SEMAINE

CRITIQUE
VRAI ET USAGE DE FAUX
Élie Castiel
★★★★

Vingt ans après le sulfureux Ed Wood, adaptation de Scott Alexander et Larry Karaszewski à partir de Nightmare of Ecstasy, de Rudolph Grey, l’iconoclaste Tim Burton signe un nouveau biopic, cette fois-ci sur l’artiste-peintre Margaret Keane, dont, paraît-il, il possède quelques- unes de ses œuvres qui, par ailleurs, auraient une influence non négligeable sur l’univers esthétique de ses réalisations. Les mêmes scénaristes se retrouvent dans ce film qu’on pourrait classifier de nouvelle tendance dans la carrière du cinéaste.

De par la nature des tableaux de Keane, mélangeant à la fois naïveté et émerveillement, et caractérisés par une tendance aux « grands yeux », le travail de l’artiste américaine n’est pas sans rappeler les univers disproportionnés du réalisateur. Sur ce point, Burton ne bifurque pas de sa démarche formelle. Comme ces personnages physiques qui, vus dans l’objectif fantasque de Margaret (éblouissante et admirable Amy Adams), revêtent la forme des yeux des sujets peints.

C’est dans la construction du récit, plus apte à la linéarité, que se dresse cet affectueux et magnifique portrait de femme. La mise en scène, assez respectueuse des codes de la narration traditionnelle, n’en demeure pas moins d’une rare élégance, Burton attestant avec un sans-gêne époustouflant cette incursion dans le cinéma grand public de qualité. C’est en fait ce qui fait la grandeur des cinéastes qui comptent : oser s’aventurer dans des espaces de mise en scène qu’on a jadis évités, se retrouver devant des personnages, certes hors du commun, mais nourris d’une envie de réussir et propices aux faux pas à l’instar du plus commun des mortels.

Burton se serait-il assagi avec l’âge ? Force est de constater qu’il y a, derrière son approche, toujours aussi alerte, une tendance à des situations plus sereines, terre-à-terre, nonobstant les quelques moments de fantaisie, et portée vers un réalisme kitsch années-50.

Et puis, une absence, celle de ses comédiens-fétiches. Pour une fois, Tim Burton fait appel à d’autres, ajoutant de nouveaux noms à sa ménagerie (comme le fait souvent Woody Allen), prenant la liberté de s’ouvrir à des possibilités extérieures, faisant fi des éventuelles critiques des puristes inconditionnels de son cinéma.

Budget oblige, Tim Burton a été contraint de tourner en numérique alors qu’en fait il privilégie le 35 mm. Et qu’importe, car en ajoutant un humour pince-sans-rire naviguant avec extase et cohérence d’une séquence à l’autre, en manipulant le corps selon une dynamique de la gestuelle prononcée (voir un Christoph Waltz en pleine forme s’autoparodiant dans l’illustre épisode du tribunal), le spectateur n’en ressort que plus conquis, confiant d’avoir été le témoin privilégié d’une expérience cinématographique totale.

Sortie : Jeudi 25 décembre 2014
V.o. : anglais
S-t.f. – Les Grands Yeux

Genre : Drame biographique | Origine : États-Unis – Année : 2014 – Durée : 1 h 46 – Réal. : Tim Burton – Int. : Amy Adams, Christoph Waltz, Krysten Ritter, Danny Huston, Jason Schwartzman, Terence Stamp – Dist. / Contact : Séville | Horaires / Versions  : Cineplex

CLASSIFICATION
Visa GÉNÉRAL

MISE AUX POINTS
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