20 mars 2015
Certains critiques ne pardonneront jamais à Rafaël Ouellet d’avoir succombé à l’envie de réaliser un film à l’encontre de son approche formelle, notamment remarquée dans le très abouti et édifiant Camion. On pourrait en dire autant pour François Delisle et son superbement esthétique Chorus, injustement vilipendé par quelques voix hostiles.
Ouellet persiste et ose s’aventurer ici dans un genre risqué, le drame sentimental auréolé d’adultère. Rien de nouveau si on compte le nombre de films faits sur ce sujet. Mais dans cette nouvelle aventure du cinéaste, les ficelles fragiles de la narration se détachent librement pour donner fruit à un récit amoureux nourri de littérature, d’art et de sexe. La référence à la nouvelle La Dame au petit chien de Tchekhov s’imbrique ainsi comme une intelligente mise en abyme ponctuée de parallèles à la fois attachants et subliminaux.
Entre Andreas Apergis, acteur qu’on devrait voir bien plus souvent au cinéma (et par ailleurs très bon metteur en scène de théâtre, particulièrement pour ses déconstructions des classiques grecs) et Sophie Desmarais, malgré les apparences, vive, parfaite en personnage de fille libre de ses engagements amoureux, vraie, manipulant son amant quadragénaire avec une ingénuosité plus proche du caprice ingénu de la séduction que de la maladresse.
Car Gurov & Anna est surtout un film sur l’homme, sur sa fidélité dans le couple, sur ses interrogations, ses angoisses devant l’âge qui ne cesse d’avancer dans le temps. Le cinéma québécois a rarement parlé de la condition masculine hétérosexuel de cette façon. Ici, l’homme s’interroge, s’angoisse, s’appitoie sur son sort, utilise l’adultère comme palliatif à tous ces maux de l’âme qui l’atteignent.
Et lorsque la passion entre dans sa vie, par hasard, sans l’avoir cherchée, l’échec ne peut être que plus naturel et concluant. Rafaël Ouellet a fait un film sur la condition actuelle d’un certain type de mâle occidental et s’avère également un très bon observateur de la nouvelle femme qui, par ailleurs, il semble admirer pour sa liberté de geste, de mouvement et notamment de pensée.
Sur ce point, ceux qui ont vu ses précédents films seront désorientés devant une approche accessible et moins portée sur les extravagances structurelles tant au niveau du récit que de la forme. Il suffit pourtant d’ouvrir bien les yeux pour apprécier le film à sa juste valeur. Avec Gurov & Anna, Rafaël Ouellet signe un film d’une authentique et bouleversante intériorité.
Genre : Drame – Origine : Canada [Québec]– Année : 2014 – Durée : 1 h 52 – Réal. : Rafaël Ouellet – Int. : Andreas Apergis, Sophie Desmarais, Éric Bruneau, Marie Fugain, Carlo Mestroni, Adam Burnett – Dist. / Contact : Filmoption.
Horaires : Excentris – Cineplex
CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans
(Érotisme)
MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). ★ (Mauvais). ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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