Affreux, sales et méchants

Élie Castiel
CRITIQUE
★★★★

Dans l’univers clos d’un avion commercial, des passagers découvrent qu’ils ont une connaissance en commun ; dans un restaurant, la serveuse reconnaît la personne qui a provoqué la mort de son père ; deux automobilistes n’arrêtent pas de s’insulter jusqu’à l’issue tragique ; un père de famille devient fou furieux lorsque sa voiture part en fourrière ; une femme enceinte est renversée par le fils d’une riche famille ; et finalement, le jour de son mariage, la mariée apprend que son époux l’a trompée avec une collègue de celui-ci, présente à la cérémonie.

LE FILM DE LA SEMAINE
PRIX DU PUBLIC
São Paulo International Film Festival 2014

Asssez d’ingrédients du comportement humain pour en faire un film à sketches d’un cynisme triomphant. Comme dénominateur commun à ces chapitres sur les modèles sociaux et comportementaux contemporains, des maux qui ont pour nom jalousie, envie, dédain, injustice, je-m’en-foutisme, manque de considération, adultère, manipulation, imposture, hypocrisie. Bref, tous ces petits et gros inconvénients qui font que la vie vaut la peine d’être vécue. Sans quoi, semble dire le jeune Damián Szifrón, elle serait d’un ennui mortel et d’une banalité nocive.

C’est ce qui l’a fort probablement poussé à faire de ces Nouveaux Sauvages une comédie noire où tout est pris au sérieux malgré le sarcasme ambiant. Et dans le même temps, cette aventure existentielle repose sur une idée bien précise du cinéma. Sur ce qu’il peut ou doit montrer, sur ce qu’il est en mesure de pouvoir aborder.

Car en plus d’un récit multiple sur l’aliénation sociale, le film de Szifrón, après l’inédit Tiempo de Valientes (On Probation, 2005), est surtout un exercice narratif où les références cinéphiles apparaissent comme des hommages aussi sincères que magnifiquement fignolées. Il y a du Spielberg (Duel), pour le suspense haletant ; du Pietro Germi et du Scola pour la satire anthropologique. Szifrón en est conscient, assume sa proposition et, mine de rien, ajoute son grain de sel à toutes ces influences presque aléatoires, prises sur le vif, instinctivement.

Avec Les Nouveaux Sauvages, Damián Szifrón confirme
jusqu’à quel point l’imagination peut être fertile
lorsqu’il s’agit de défendre coûte que coûte son cinéma national.

Certains récits, comme celui du fils d’une famille influente, nous déstabilisent. D’autres, au contraire, nous obligent à être compatissants envers la victime (sketch avec Ricardo Darín). Mais le pot-pourri, aussi parsemé d’ingrédients fort différents les uns des autres, fonctionne admirablement bien grâce à la partition extraordinaire de tous les comédiens et, indubitablement, à l’implication consentie des spectateurs.

Face aux autres cinémas nationaux de l’Amérique latine qui s’efforcent de plus en plus de damer le pion à celui de l’Argentine, ce dernier résiste en innovant sans cesse, fière et résolu de ne pas céder facilement sa place. Avec Les Nouveaux Sauvages, Damián Szifrón confirme jusqu’à quel point l’imagination peut être fertile lorsqu’il s’agit de défendre coûte que coûte son cinéma national. Dans un sens, chacun à sa façon, nos cinéastes poursuivent le même combat.

Copieusement surréaliste et agréablement irrévérencieux.

Sortie  :  Vendredi 13 mars 2015
V.o. :  espagnol
S.-t.f. > Relatos salvajes
S.-t.a. – Wild Tales

Genre : Comédie noire – Origine :   Argentine / Espagne– Année :  2014 – Durée :  2 h 02  – Réal. :  Damián Szifrón – Int. :  Ricardo Darín, Oscar Martinez, Erica Rivas, Leonardo Sbaraglia, Rita Cortese, Julieta Zilberberg – Dist. / Contact : Métropole.
Horaires :  Beaubien – Cinéma du Parc – Cineplex

CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). ★ (Mauvais). ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.