26 mars 2015
Par son titre, White God se mesure d’emblée à White Dog (1982), le film polémique de Samuel Fuller sur les relations raciales aux États-Unis. Si cela pique préalablement notre curiosité, le visionnement du film laisse place à une autre question; ce renvoi à Fuller est-il une marque d’irrévérence ou un exemple d’opportunisme ? Le réalisateur hongrois Kornél Mundruczó (Johanna, Tender Son) nous assure pourtant ne pas être familier avec l’œuvre de Fuller; son « white god » serait plutôt emprunté à l’auteur Sud-Africain J. M. Coetzee, connu pour sa défense des droits animaliers. De quoi est-il donc question ici?
White God c’est Hagen et Lili, les inséparables. Lorsque la mère de cette dernière quitte le pays pour un voyage d’affaires avec son nouveau mari, elle est obligée d’héberger chez son père, Daniel. Celui-ci accepte ses nouveaux co-chambreurs avec un grand désarroi car le meilleur ami de sa fille est plutôt atypique; Hagen est un chien bâtard. Comble du malheur, ce séjour chez papa coïncide avec une nouvelle taxation sur les chiens de race mixte. L’amitié de Lili et Hagen est donc mise à l’épreuve lorsque Daniel abandonne l’animal en périphérie de Budapest.
Hagen, rencontrera dans sa traversée danubienne tous les incontournables de cette vieille histoire du chien en territoire inconnu : les chiens errants, les employés de la fourrière, le sans-abri, l’entraîneur de chiens de combat. S’en suivra une mutinerie canine généralisée ; séquences vendeuses sur laquelle semble reposer tout le film. Ces péripéties sont entrecoupées d’épisodes insipides de la vie de Lili qui tantôt cherche Hagen et tantôt tente de se rapprocher du pianiste mignon de l’orchestre duquel elle fait partie.
Malgré la prévisibilité de son récit et les nombreuses cassures de tons de sa mise en scène, on ne peut nier les bons coups de White God, à commencer par les moments de spontanéité confondants de son protagoniste quadrupède alors qu’il parcourt la ville. Budapest, d’ailleurs, est d’une beauté saisissante; les images de Marcell Rév la transforment de scène en scène en dédale labyrinthique, en vaste tableau onirique et en zone de guerre cauchemardesque. La récurrence de la Rhapsodie hongroise nº 2 de Lizst est aussi bien efficace, modulant le ton du film différemment à chaque retour tout en étant un des éléments disparates du film évoquant la portée allégorique du récit.
Mais c’est justement cette allégorie qui s’avère problématique. Par son manque de finesse, son manque de nuances, White God devient une dénonciation de l’abus si vague qu’elle pourrait être servie à toutes les sauces. Répétons-le, les liens qu’entretient ce dernier film de Mundruczó avec White Dog semblent être fortuits. Et heureusement ! Car autre leur titre et leur recourt au chien comme métaphore plus ou moins subtile, leurs ressemblances sont nulles. Fuller plaçait dans sa ligne de mire des thèmes délicats avec la même précision qu’on tire des conserves alignées sur un muret. Malgré ses prouesses au maniement du révolver, White God rate sa cible, complètement.
Genre : Drame – Origine : Hongrie / Allemagne / Suède– Année : 2014 – Durée : 2 h 01 – Réal. : Kornél Mundruczó – Int. : Zsófia Psetta, Sándor Zsótér, László Gálffi, Lili Monori, Ervin Nagy, Kornél Mundruczkó – Dist. / Contact : VSC.
Horaires : Cinéma du Parc
CLASSIFICATION
Interdit aux moins de 13 ans
MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel). ★★★★ (Très Bon). ★★★ (Bon). ★★ (Moyen). ★ (Mauvais). ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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