7 mai 2015
RÉSUMÉ SUCCINCT
1811. Henriette Vogel, une jeune femme mariée de la bourgeoisie allemande, est tentée par l’étrange proposition du poète Heinrich von Kleist lorsqu’elle apprend qu’elle est atteinte d’une maladie incurable.
Après Lourdes (2009), pourtant inédit au Québec malgré un casting solide (Sylvie Testud, Léa Seydoux et Bruno Todeschini, entre autres), l’Autrichienne Jessica Hausner se livre avec un esprit raffiné à un formidable exercice de style. Véritable film d’auteur, au sens propre, Amour fou se classe parmi les productions qu’on devrait voir de plus en plus souvent dans les quelques salles montréalaises spécialisées encore existantes. Et pour combien de temps encore ?
Héritière en quelque sorte du couple Jean-Marie Straub et Danièle Huillet pour leur poétique intransigeante et d’Éric Rohmer, période intermédiaire, notamment en ce qui a trait à La Marquise d’O (1976) et à l’inédit Les Amours d’Astrée et de Céladon, pour leur approche intellectuelle et distanciée des sentiments, Hausner a recours à une mise en scène où l’indicible règne dans une sorte de mise en peinture immobile d’où justement émergent toutes sortes d’émotions. Cinéma de l’esthète plus que tout, Amour fou se définit par lui-même, c’est-à-dire refus de narration traditionnelle, la forme plus que le fond, et plus que tout, la participation intellectuelle du spectateur.
La narration, récit d’un double suicide ramène aux contours d’une certaine littérature romantique du 19e siècle, dominée par le sacrifice affectif, plus proche de la méditation que de la surabondance des sentiments. Amour fou est d’une grâce glaciale incomparable, d’un raffinement suranné qui n’existe que dans l’imaginaire, produit d’un décalage entre naturalisme surabondant et impressionnisme calculé. C’est dans ces moments de pure imagination que Jessica Hausner réussit le grand pari de provoquer le spectateur jusqu’à le sommant d’ajuster son regard. Simple stratégie qui consiste à ce que l’œil soit porté sur les subtilités, voire même détails ou nuances qui échappent au quotidien. Poème sur la passion maîtrisée, Amour fou étonne par sa rigueur, son engagement envers le processus de création et, disons-le sans ambages, un amour fou du cinéma.
Du malentendu et de la coïncidence, naît une relation, un dialogue amoureux, une prise de position existentielle qui se rapproche du mythe élégiaque, triste à en pleurer. Non pas l’allégorie sise aux communs des mortels, mais au contraire à la mythologie-écran, au cadre, à ses inclusions ou exclusions.
Car avant tout, le film de Hausner est un essai sur le cinéma et ses multiples possibilités. En ayant recours, consciemment ou pas, aux auteurs disparus, la jeune réalisatrice ne fait que donner à l’Histoire du 7e art la perennité qu’elle s’évertue de plus en plus à conserver et à solidifier . Sublime, rare et d’une beauté plastique absolue.
Genre : Drame romantique – Origine : Australie / Luxembourg / Allemagne – Année :2014 – Durée :1 h 36 – Réal. : Jessica Hausner – Int. : Birte Schoeink, Christian Friedel, Stephan Grossmann, Sandra Hüller, Paraschiva Dragus, Holger Handtke – Dist./Contact : EyeSteelFilm.
Horaires : Excentris
CLASSIFICATION
[ En attente de classement ]
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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