28 août 2015
La Caméra d’or décernée à César Acevedo cette année à Cannes confirme que le cinéma d’auteur ne cesse de s’affirmer comme unique représentant d’un art qu’on a parfois tendance de croire en régession. Avec La terre et l’ombre, titre on ne peut plus poétique, puissant et symbolique, le colombien César Acevedo signe un premier long métrage d’une noblesse absolue, renouant avec une tradition chère au cinéma latino-américain, le recours à la métaphore pour conter le chemin sinueux de l’expérience humaine.
De surcroît, sentier de la vie taillé d’embûches, de failles, d’injustices, de privations et de luttes constantes. Pour rendre compte de cette fable amère, le jeune cinéaste exprime les émotions par des images d’une rare beauté picturale. Acevedo possède le sens du cadre, du mouvement à la fois sec et fortement significatif. Les deux comédiennes, deux âges de la vie, saisissent l’œil de la caméra pour gagner l’émotion du spectateur. De ces visages, émanent une aura de respect, de dignité face aux aléas de la vie.
Il y a aussi le fils, combattant une maladie sacrifiée par l’environnement désertique d’un endroit perdu et hostile ; son fils, un jeune non-professionnel d’une profondeur admirable, vrai, intense, au jeu dramatique sortant de l’ordinaire. Et puis l’adulte, rendant son « retour du père prodigue » aussi biblique que païen. Rituel bercé par une nature intense qui n’a aucune pitié pour la vie. Les quatre éléments terre, eau, air et feu s’expriment ici avec une résonance aussi furieuse que magnétique. Acevedo se permet de les intégrer autour de l’individu en créant des situations dramatiques dignes et intenses.
Mais aucun effet mélodramatique, plutôt une distanciation qui, pour certains, peut paraître glaciale, mais n’en demeure pas moins accueillante. Mais avant tout, La terre et l’ombre est un film triste d’un esthétisme plastique et d’un fort rationalisme fonctionnel. Et il y a aussi, chez César Acevedo, une approche réaliste de la fiction qui ne se laisse pas emporter par le souci parfois excessif de la forme. C’est là aussi un premier essai où le plan-séquence n’est plus seulement une question de durée, mais devient également le guide rationnel de la trajectoire humaine. Mais derrière leur condition de déshérités de la terre, un espoir, une rédemption, une volonté de toujours croire car ici, la foi et la solidarit sont aussi des composants nourriciers. Un film abouti qui laisse présager un futur prometteur.
Genre : Drame – Origine : Colombie – Année : 2015 – Durée : 1 h 37 – Réal. : César Acevedo – Int. : Haimer Leal, Hilda Ruiz, Edison Raigosa, Marleyda Soto, José Felipe Cárdenas – Dist. / Contact : K-Films Amérique.
Horaires : @ Beaubien – Excentris
CLASSIFICATION
Général
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ (Entre-deux-cotes) – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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