14 août 2015
Ce poème, Nadav Lapid l’a imaginé à l’âge de quatre ans. Cette époque fut, nous raconte-t-il, l’une des plus créatives de sa vie. « Entre quatre et sept ans, j’ai dicté une centaine de poèmes à ma nourrice. Puis j’ai compris que ce monde n’appartient pas aux poètes et j’ai tout arrêté. » Pour autant, aujourd’hui, il y a davantage de lui « dans Nira que dans Yoav », précise-t-il. Nadav Lapid est un artiste cérébral (également écrivain) que la dérive matérialiste et narcissique de nos sociétés modernes – et pas seulement d’Israël – dérange. Le Policier (Ha-Shoter), son premier long métrage, témoignait déjà d’inquiétudes similaires. Suivant une implacable construction en trois temps, le film préparait, puis filmait l’affrontement entre un flic d’élite ultranationaliste et de jeunes bourgeois gauchistes convertis à la lutte armée. Les seconds, malgré leurs objectifs a priori plus nobles, suscitaient finalement à peine plus d’empathie que le premier.
Si la forme est plus souple, plus fluide et plus imaginative dans L’Institutrice, sur le fond, on reconnaît la tension troublante, entre légitimité des buts et moyens mis en œuvre pour y parvenir, déjà ressentie dans le film précédent. On y retrouve aussi le thème du coup d’état, cette fois-ci abordé de façon moins frontale : quand dans une assemblée de poètes, Nira prend la parole comme on prendrait le pouvoir; quand elle kidnappe l’enfant et fuit en voiture, la police aux trousses, seule contre le système, son arme de destruction massive endormie sur la banquette arrière.
Mais Nira est-elle une héroïne entrant en résistance contre l’ordre établi et le règne de la vulgarité, ou, plus prosaïquement, une femme frustrée sur les plans familial, sexuel et professionnel, habitée par le désir très égoïste de regagner son estime d’elle-même ? Qui Nira veut-elle vraiment sauver ? Lapid se refuse évidemment à répondre. Par sa mise en scène, en revanche, qui régulièrement rompt avec l’effet de réalité (un personnage bouscule la caméra; sur une plage, la voluptueuse nourrice s’en approche dangereusement en chantant, fixant le public droit dans les yeux…), il renvoie chaque spectateur à ses propres démons.
Genre : Drame – Origine : Israël / France – Année : 2014 – Durée : 1 h 59 – Réal. : Nadav Lapid – Int . : Sarit Larry, Avi Shnaidman, Yoav Pollak, Lior Raz, Jill Ben David – Dist. / Contact : Kino Lorber.
Horaires : @ Beaubien – Cinéma du Parc
CLASSIFICATION
Exempté de classement
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [ Entre-deux-cotes ] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.