19 mai 2016
RÉSUMÉ SUCCINCT
Istanbul, métropole à cheval entre l’Europe et l’Asie, a toujours été un lieu de passage pour les marchands et voyageurs du monde entier. Aujourd’hui, elle représente pour les émigrés issus d’Afrique et du Moyen-Orient une porte d’entrée vers la terre promise européenne. Constat d’une situation humanitaire exceptionnelle.
Après le touchant Les tortues ne meurent pas de vieillesse tourné au Maroc en 2010, Hind Benchekroun et Sami Mermer, eux-mêmes issus de l’immigration et du voyage, partent planter leur caméra à Istanbul, ville de tous les gigantismes située au carrefour de l’Europe, de l’Afrique et du Moyen Orient. Avec cette œuvre patiente et observatrice, ils nous permettent d’approcher quelques-uns de ces nomades internationaux qui trouvent dans ces « usines à appel » une voix connue pour s’enquérir d’eux, les réconforter ou même les sermonner, mais avant tout, une voix qui prouve qu’ils existent encore pour quelqu’un.
La cabine isole le sujet, les cinéastes restent à l’extérieur et observent. Habillé d’une mise en scène attentive aux voix et aux expressions du visage, le film de Benchekroun et Mermer est de ceux qui séduisent par leur capacité à savoir se laisser porter par la force évocatrice de leurs images. Or ici, cette capacité à capter la fragilité de l’instant est tout simplement remarquable. Les atmosphères, les mises en contexte et même le quotidien houleux d’un pays inconnu passent par les silences, les non-dits et les hésitations qui en disent autant que de longs discours théoriques ou factuels.
Naît alors de ces conversations une sorte d’oralité de l’exil, faite de confessions intimes qui se dévoilent progressivement grâce à une structure narrative habile, laissant entrevoir les déchirures d’un monde dans lequel la détresse est encore le lot de centaines de millions de personnes. Sans commentaires ni voix off, la caméra capte un visage en pleurs, une voix incertaine ou des mains qui se nouent, et renvoie des images parlantes, sémaphores face à nos certitudes et nos convictions. Hitoko la japonaise à l’accordéon, Brahim l’Africain et son problème d’alcool, les jeunes Irakiens fuyant la guerre, autant de symboles d’un monde tourmenté, qui n’offre que de précaires échappatoires à ceux qui ont choisi de fuir leur condition.
Malgré sa dureté, le film ne fait pourtant pas de ses protagonistes des martyrs perdus sacrifiés sur l’autel de la mondialisation. D’ailleurs, l’un d’entre eux se sermonne de n’avoir pas mieux préparé son voyage, lui qui croyait qu’en dehors de son Bénin natal le travail se trouverait facilement. Une désillusion palpable dans presque tous les appels, dans les plans, même les plus joyeux d’entre eux. Entre le désir de fuir et la volonté de rentrer au pays de ces exilés, les SOS envoyés nous interpellent. Callshop Istanbul, œuvre humaniste s’il en est une, offre une représentation de notre monde dont on ne se défait pas si facilement.
Sortie : vendredi 20 mai 2016
V.o. : multilingue / S.-t.f. / S.-t.a.
Callshop Istanbul
Genre : DOCUMENTAIRE – Origine : Canada [Québec] – Année : 2016 – Durée : 1 h 24 – Réal. : Sami Mermer, Hind Benchekroun – Dist. / Contact : Multi-Monde.
Horaires : @ Cinémathèque québécoise / Dollar Cinema
CLASSEMENT
En attente
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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