16 juin 2016
RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans la campagne écossaise du comté d’Aberdeen, peu avant la Première Guerre mondiale. Après la mort de leur mère épuisée par les grossesses successives, les quatre enfants Guthrie sont séparés. Les deux plus jeunes partent vivre avec leurs oncle et tante tandis que leur soeur, Chris, et leur frère aîné, Will, restent auprès de leur père, John, un homme autoritaire et violent.
Terence Davies s’est toujours démarqué par un cinéma classique qui, bien que penchant parfois pour des prestations visuelles aussi raffinées que symboliques, demeure humaniste, proche de l’individu. La caméra semble le protéger, le consoler par moments, lui donner sa liberté ou, selon le hasard de la vie et de l’Histoire, le rendre prisonnier, malgré lui, des conventions.
Le destin frappe Sunset Song, titre poétique à résonance biblique, voué à la terre et aux fruits de ses entrailles. Ça se passe vers 1911, à Aberdeen, en Écosse, et c’est l’histoire d’une famille qui passe à travers son quotidien, tout en prenant conscience que l’Histoire se construit chaque jour sans crier gare.
Dans son égoïsme d’homme rural, son machisme, sa brutalité et son appétit sexuel, le personnage de John Guthrie est joué magnifiquement bien par Peter Mullan, qu’on ne voit pas souvent à l’écran. Mais Sunset Song, c’est surtout Agyness Deyn (Hail Caesar!), célèbre mannequin qui laisse les robes des créateurs de mode pour se parer de vêtements ruraux, célébrant la campagne écossaise, défiant subtilement la nature en se faisant appeler Chris, un prénom masculin. Mais cette androgynie n’est que symbolique car Chris retient sa féminité intacte. Sur ce point, la scène où elle découvre sa nudité est d’une extraordinaire puissance visuelle qui ne nécessite aucun mot. Elle est femme, fille, mère courage. Ses silences nous questionnent et font battre notre cœur de spectateurs face à une actrice accomplie. C’est là aussi où réside l’originalité de Davies : discourir lyriquement par le non-dit. Son cinéma est ainsi fait, de grâce, de raffinement, de rares occasions de sublimer la vie et les êtres.
Adaptation du roman de Lewis Grassic Gibbon, Sunset Song surprend, par ses cadrages, son écran large qui défend la terre, la nature, ses bruits, ses intempéries, ses émerveillements ; par sa musique aussi, dont la sonorité renvoie à un rapport à la tradition orale et collective, comme ce son de cornemuse qui émeut l’âme autant qu’il fait renaître, comme par magie, à la vie.
À l’instar de ses films précédents, Davies demeure à hauteur de son sujet. Chaque plan est étudié, chaque geste, chaque mouvement. Comme s’il s’agissait d’un tableau en pleine élaboration. Car son film est avant tout un rendez-vous avec l’art consommé de la création, un hommage particulier à un autre cinéma, celui qui refuse catégoriquement de se plier aux diktats esthétiques et narratifs du moment, serein devant les événements de la vie, tragique devant les destinées dramatiques, mais toujours empreint d’une forte et folle sollicitude envers le commun des mortels.
Entre le récit des origines et le mythe grec, primaire, trafiqué par les Dieux, Sunset Song est un hymne à la beauté d’un paysage dont les origines se perdent dans les temps immémoriaux, tel un rituel de purification où la vie et la mort se côtoient incessamment avec force et vulnérabilité. Comme un chant du crépuscule triste, généreux et rédempteur.
Genre : DRAME – Origine : Grande-Bretagne / Luxembourg – Année : 2015 – Durée : 2 h 15 – Réal. : Terence Davies – Int. : Agyness Deyn, Peter Mullan, Kevin Guthrie, Mark Bonnar, Ian Pirie, Jake Greenless – Dist. / Contact : Unobstructed View.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc
CLASSEMENT
Non classé
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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