23 février 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
Sorti du couvent, Jeanne ne désire que connaître l’amour, le vrai, le fidèle. Elle le trouve auprès de Julien, qu’elle vient de rencontrer. Mais pour Jeanne, le quotidien se transforme bientôt en cauchemar pour diverses raisons. Cela se passe en Normandie, en 1819.
En 1958, Alexandre Astruc proposait une version romantique du premier roman de Guy de Maupassant datant de 1883. Avec Maria Schell, Christian Marquand et Pascale Petit comme principaux comédiens, il pouvait s’assurer que les règles d’interprétation de l’époque étaient suivies à la lettre. Pari réussi pour Une vie, un film langoureux, charmant et dont la dramaturgie nous laissait un pincement au cœur. Cinéaste rarrissime, quelques longs métrages pour le cinéma, pour ensuite une conversion au petit écran, Astruc n’a pas vraiment participé à la Nouvelle Vague émergente qui allait presque tout raser dans la mouvance cinématographique hexagonale.
Après le magnifique La loi du marché, dont nous avons dit tout le bien, Stéphane Brizé s’attaque à un auteur important de la littérature en prenant le risque de déconstruire son roman par le biais de l’ascèse, cette tendance à construire l’œuvre selon une approche esthétique, cadrant le plan comme s’il s’agissait d’un livre qu’on feuillette et qui prend une forme cinématographique grâce à une caméra à l’épaule, dont le travail rigoureux d’Antoine Héberlé stupéfie plutôt que de séduire. Tout se passe pour que le spectateur savoure ces instants réduits à l’état de pur intellect, naviguant intentionnellement entre des eaux troubles et des temps presque immobiles où l’art de la peinture s’exprime avec exultation.
Ici, Brizé ne se contente pas de paraître, mais au contraire, signe une œuvre justement honorée du Prix Louis Delluc l’an dernier. Pour sa détermination à moderniser un récit du 19e siècle en une histoire d’amour presque d’aujourd’hui. L’émotion, la larmoyante, la manipulatrice est ici transformée en une sensation qu’on retient sur soi, à la limite clinique, intransigeante, laissant quelques spectateurs étonnés devant une telle proposition.
Tout compte fait, Une vie, le film de Stéphane Brizé, est une proposition nette et sincère à lire le cinéma tout en tenant compte de la fonction du regard, ici totalement placé au rang de la pensée, de la réflexion, du sous-entendu ; car fidèle aux tableaux évoqués, aux lieux minutieusement choisis et à la nature quasi chimérique que le film croise, le résultat est un exploit impeccable entre le cinéma et la littérature, deux disciplines qui se croisent et cohabitent comme par enchantement.
Et puis une actrice, Judith Chamla, obsédée par son personnage, combattante face à une société inventée par Maupassant et que Brizé réorganise pour les besoins de la comédienne. Pour qu’elle s’identifie à l’époque tout en préservant une approche contemporaine. Troublante, séduisante, habitée, Chamla transperce l’écran tout en le préservant de possibles blessures. Les autres comédiens l’entourent avec un sens inné de la complicité ; on soulignera la présence d’une Yolande Moreau extraordinairement versatile.
La passion, la séduction, le corps même, le drame et la tragédie sont au service du cinéma, art par excellence de la représentation. Brizé l’a parfaitement compris en mettant à notre disposition un étrange et nouveau dispositif cinématographique. Pour cette héroïne sortie du couvent, le désenchantement et la trahison sont des parcours d’une vie que Brizé illustre avec une approche minimaliste qui tient du mystique et du contemplatif.
Genre : DRAME – Origine : Français / Belgique – Année : 2016 – Durée : 1 h 59 – Réal. : Stéphane Brizé – Int. : Judith Chemla, Jean-Pierre Darroussin, Yolande Moreau, Swann Arlaud, Nina Meurisse, Finnegan Oldfield – Dist./Contact : MK2/Mile End.
Horaires : @ Cinéma Beaubien – Cineplex
CLASSEMENT
Tout public
MISE AUX POINTS
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