2 mars 2017
RÉSUMÉ SUCCINCT
En 2029, Logan (Wolverine), le professeur Charles Xavier et Caliban semblent être les derniers survivants de la race des Mutants. Vivant cachés de tous, ils subsistent grâce à l’aide Logan. Mais leur tranquillité est mise en péril lorsque surgit Laura, une jeune mutante échappée d’un laboratoire.
Depuis la trilogie des Dark Knight de Christopher Nolan, plusieurs films de science-fiction et d’horreur se sont soudainement retrouvés avec le mot « Dark » dans le titre : Star Trek Into Darkness, Thor: The Dark World, The Dark Tower, Fifty Shades Darker (fantaisie érotique, pardon…) ou tout simplement Dark. Mais aucun de ces films n’est aussi sombre que Logan. En regardant ce film désespéré, on ressent un malaise, une amertume et une tristesse qui continuent de nous habiter longtemps après avoir quitté la salle de cinéma. Il s’agit d’une œuvre véritablement apocalyptique, extrêment brutale et métal hurlant, rarement vue dans le cinéma américain. Pour chacun d’entre nous, la fin du monde, c’est la mort. Quand nous mourrons, ce sera la fin de notre monde, de notre perception du monde. En mourant, le monde cesse d’exister pour nous, même si nous savons qu’il poursuivra sa route sans nous jusqu’à ce que le Soleil engloutisse la Terre en devenant géante rouge dans cinq milliards d’années…
Dans ce troisième opus sur Wolverine, réalisé comme le précédent par James Mangold, la fin approche. Elle est tangible, palpable. Elle laisse un goût amer dans la bouche. Pour les mutants, pour les X-Men, pour Charles Xavier (le Professeur X), pour Logan, leur monde s’écroule autour d’eux. La plupart sont déjà morts ou ont disparu, les autres sont pourchassés inlassablement et les plus jeunes, des enfants, sont soumis à d’horribles expériences visant à les transformer en machine de guerre. Nous sommes en 2029. Les États-Unis ressemblent à un pays dévasté par l’autocratie, sous l’emprise du complexe militaro-industriel. Le film évoque inconsciemment une ère « post-Trump » (parce que Mangold ne pouvait prévoir en tournant le film que Trump allait devenir président !) où les États-Unis ne sont plus que l’ombre de la Terre d’opportunité que les pères fondateurs proclamaient : « A dark United States ». Ainsi, le prétexte narratif habituel des méchants militaires et savants fous voulant contrôler ou détruire les mutants pour s’emparer du pouvoir se justifie pleinement dans le présent contexte d’incertitude politique. Pas étonnant que Logan s’inspire du climat de déchéance mondiale du premier Mad Max (George Miller, 1979) et du superbe Children of Men (Alfonso Cuarón, 2006).
Dans cet univers dystopique (par opposition à utopique), Logan subit les affres de la vieillesse et de la maladie. L’alliage d’adamantium qui compose son armature interne l’empoisonne à petit feu, le rendant plus vulnérable aux blessures qu’avant. La scène d’ouverture, un cliché mille fois utilisé (des truands l’affrontent dans un lieu glauque et désertique), déjoue nos attentes en présentant un Wolverine affaibli et peu efficace. C’est très dur pour le spectateur (d’autant plus s’il est un fan) de voir cette force de la nature souffrir à ce point et s’écrouler à la fin de ce qui aurait dû n’être qu’une escarmouche pour lui. Logan est fatigué, défait, meurtri, mais il est toujours aussi grognon et colérique, ce qui permet d’introduire les quelques touches d’humour qui percent cette tragédie. Car tragédie il y a. D’ailleurs, la figure la plus tragique s’incarne dans un Charles Xavier encore plus démuni que Logan. À 90 ans, le Professeur X est invalide, mourant et épileptique. Ses crises transpercent les humains qui se trouvent à proximité, les rendant impuissants et catatoniques. Cette puissance incontrôlée l’atterre au plus haut point. Il devient un vieux King Lear qui ne peut plus influencer la destinée de ses enfants, le taciturne Logan et la mystérieuse Laura. Patrick Stewart est tout simplement déchirant dans ce rôle crépusculaire.
Laura, quant à elle, est le produit de manipulations génétiques et d’expériences de laboratoire perpétrées par la firme Transigen sur son petit corps. Issue de l’ADN de Logan, elle possède certaines de ses caractéristiques (régénérescence des tissus, squelette d’adamantium, férocité, mauvais caractère). Elle fait preuve d’une énergie incroyable et d’une sauvagerie terrifiante pour une fillette d’à peine dix ans. À l’instar de Logan, sa fureur menace d’éclater à tout moment. La jeune actrice Dafne Keen possède une assurance peu commune qui rappelle Dakota Fanning à son âge. Mais ce n’est pas une petite beauté. Elle présente un visage félin avec de grands yeux et un petit corps frêle. Il s’agit d’un très beau personnage, investi d’une force intérieure qui transcende son apparence. Laura devient la protégée de Xavier et elle permet à Logan de se retrouver, de donner un nouveau sens à sa vie. Elle devient aussi le moteur narratif du film et elle prend le relai quand Logan se tarit.
James Mangold parcourt beaucoup de terrain avec cette étrange famille reconstituée. Le film possède la fougue entraînante d’un road movie et la puissance évocatrice d’un western. Lors d’une poursuite en limousine, Mangold inverse les données d’une scène similaire dans Terminator 2: Judgment Day (James Cameron, 1991). Dans ce dernier, les bras d’acier du vil Terminator fracassent de l’extérieur les vitres de la voiture pour essayer d’atteindre à l’intérieur le jeune John Connor ; alors qu’ici, les bras d’acier de Laura et de Logan sont à l’intérieur de la limousine et déciment les poursuivants qui attaquent à l’extérieur. De même, Mangold utilise trois extraits du western Shane (George Stevens, 1953). Le parallèle entre les deux films fascine et saisit : on peut voir Logan dans le franc-tireur Shane (il va protéger des enfants), mais on peut aussi y reconnaître les codes d’une mythologie appelée à disparaître. Quand Logan se rend compte que Laura tire son espoir d’un Éden salvateur dans une bande dessinée des X-Men, il affirme que la réalité est plus cruelle que la fiction, sans se rendre compte bien sûr qu’il est lui-même un personnage fictif…
À l’instar de Nolan, Mangold cherche à montrer les impacts réellement dévastateurs que causeraient irrémédiablement un être comme Wolverine s’il existait vraiment. L’extrême violence y contribue (on ne peut pas s’attendre à ce qu’un personnage muni de lames d’acier ne s’en serve que pour trancher des légumes dans un show de cuisine !), mais le massacre de cette famille afro-américaine qui a osé héberger les fugitifs est le plus éloquent et le plus triste. D’autant plus qu’elle a été décimée par un double sans âme de Wolverine, une machine à tuer sans aucune moralité. Ce que Logan aurait pu devenir. L’intensité du jeu de Hugh Jackman dans ces scènes nous sidère. Il parvient à nous toucher et à nous troubler tout à la fois. Quel grand acteur ! Dommage qu’une ou deux scènes un peu mièvres viennent gâche la sauce (« Daddy ! Daddy ! »).
Toutefois, une scène formidable rachète cet écart, démontre la portée mythique de ce film et assure sa pérennité. Laura arrache une croix qui marque une tombe (je ne vous dis pas laquelle…) et la place sur le côté, formant alors un « X » évident. Il n’est pas étonnant de lier ainsi christianisme et mutantisme. Et si Jésus-Christ était le premier mutant ? C’est pourquoi la douzaine d’enfants mutants se dirige vers le Nord, le Canada, nouveau symbole de liberté et de libre pensée. Ils iront répandre la Bonne Nouvelle et, qui sait, construire un monde meilleur sur le sacrifice ultime de Logan.
Genre : AVENTURES FANTASTIQUES – Origine : États-Unis – Année : 2017 – Durée : 2 h 17 – Réal. : James Mangold – Int. : Hugh Jackman, Patrick Stewart, Dafne Keen, Boyd Holbrook, Richard E. Grant, Doris Morgado – Dist./Contact : Fox.
Horaires : @ Cineplex
CLASSEMENT
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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