20 avril 2017
Nous savons que ce projet tenait James Gray à cœur et que sa gestation a commencé depuis quelques années. Sa conception est une histoire où risques, jeux de séduction, références cinéphiliques et souci d’essayer quelque chose de nouveau se heurtent au facteur temps ; bref, ces éléments qui font qu’on continue à réaliser des films avec la même passion, le flair adéquat, la même folie. D’où ce rappel au Fitzcarraldo (1982) de Werner Herzog, lui beaucoup plus téméraire et grandiloquent.
Et pourtant, par petites touches, il y a du Visconti (Le Guépard), du David Lean (Lawrence of Arabia), de tous ces films épiques plus ou moins grand public manufacturés avec le plus grand soin. Et bien entendu, le CinémaScope et la couleur. L’auteur de Little Odessa et The Immigrant, séduit par une histoire inusitée, se sert de cet instinct de découverte pour en extraire un récit civilisationnel, celui d’une Europe vis-à-vis des territoires inconnus, de la rectitude morale des aventuriers en quête de mondes autres.
Et autour de ce schéma, une histoire d’amour entre un Homer des temps modernes et sa femme, avant-gardiste avant l’âge, épris l’un de l’autre grâce à la complicité de leur similarités. Et des personnages, ceux qui posent les questions et ceux qui osent s’aventurer. Et dans le terrain miné de l’Amazonie, une direction photo du grand Darius Khondji qui éclaire les paysages et les intérieurs selon les circonstances. En effet, le franco-iranien Khondji, celui des Jean-Pierre Jeunet, David Fincher, Bernardo Bertolucci et autres Roman Polanski ou Woody Allen. Pour lui, The Lost City of Z est aussi une aventure faite d’action subliminée, de regard intérieur et instinctif, et d’un sens inné de l’effet pictural, à la limite, quasi fantomatique, comme lorsqu’il présente ces premières tribus dites « sauvages » d’une Bolivie en devenir.
Car en quelque sorte, The Lost City of Z est un hommage à l’art du tableau, le classique, celui des musées, des grands noms de la peinture. Celui de l’immatérialité de leur contenu. Et c’est aussi une histoire de famille, un couple, elle et lui, qui s’aime, autant que leurs enfants. Et une amitié virile entre le père et le fils, tous deux partis pour la Grande Aventure, laissant l’attente des spectateurs en suspension C’est ainsi qu’est construit le film de James Gray, amoureux fou de l’art qu’il défend, faisant de ce sixième long métrage pour le cinéma une œuvre limpide, généreuse, portée par une urgence de tous les instants en même temps qu’un regard sur la temporalité. Celle du réel, dans une Grande-Bretagne happée par le gain de l’argent et le goût de conquêtes territoriales, et l’autre, celle de l’utopie, dans des terres inexplorées où les autochtones prennent conscience petit à petit d’un destin tragique en gestation.
L’inconnu, c’est vraiment de cela que The Lost City of Z parle, de cet attrait jubilatoire de ne jamais atteindre nos objectifs, sauf de quoi les rêves seront brisés. Un Z dans le titre qui confirme l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin, notion biblique qui figure ici toute sa majestueuse et transcendante allégorie.
Genre : Drame biographique – Origine : États-Unis – Année : 2016 – Durée : 2 h 21 – Réal. : James Gray – Int. : Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller, Tom Holland, Edward Ashley, Angus Macfadyen, Franco Nero – Dist. : Entract Films.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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