15 juin 2017
Metascore, c’est bien la source immaculée en matière de cotes attribuées aux films religieusement suivie par les critiques qui se respectent, comme s’il s’agissait d’un Nouveau Testament cinématographique. Dans le cas de Churchill, la note varie du maigre 38 % attribué par le Boston Globe au 60 % par l’un des piliers de l’industrie, Variety. Avec tout le respect que l’on doit à ces apôtres de la critique, force est de souligner qu’il est temps de ne compter que sur soi-même, notamment lorsqu’on a accumulé des années, voire des décennies d’expérience en la matière.
Quant au film de Jonathan Teplitzky, dont on a bien apprécié The Railway Man (2013), autre film sur les tourments de la conscience, sans frôler le chef-d’œuvre, Churchill est avant tout un film sur les conventions d’un genre, le drame intime. La Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement les 48 heures précédent le fameux Jour J (pour les Américians et les Britanniques, le D Day), journée fatidique qui visait à délivrer la France du joug nazi et clamer la victoire par les Alliés sur le fascime, n’est ici qu’un prétexte, une toile de fond que l’on ne verra jamais se livrer aux spectateurs. Elle est ailleurs, on l’imagine, on en parle. Cette convention, c’est entrer dans l’âme et le cerveau d’un important personnage parmi les décideurs de l’avenir du monde.
Un homme tourmenté par la possibilité d’une défaite, entraînant la mort de tant de jeunes. Face et contre lui, les forces militaires des deux pays complices dans la possible victoire. Et c’est de cela qu’il s’agit dans Churchill : tracer le portrait d’un homme qui ne cesse de se remettre en cause, qui s’agite, se confronte à lui-même, dresse le bilan d’une Première Guerre mondiale où il a combattu et tente de voir les correspondances quelques décennies plus tard. C’est un homme d’une autre époque. Un individu qui fait face à sa propre personnalité, pas toujours recommendable, mais, à l’époque, un homme craint par sa carrure, son cigare auquel il est toujours demeuré fidèle et lui donne son charisme militaire de dirigeant, difficile et généreux envers son épouse (formidable Miranda Richardson) qui, malgré et contre tout, impose sa volonté. Car Churchill, c’est aussi un film sur le couple, sur l’apport de la femme dans les décisions importantes de la vie. L’homme, comme un enfant qui écoute les conseils de sa mère, mais qui en adulte, en fait à sa tête. N’y-a-t’il pas là un des paramètres incomprésensibles des conflits armés ?
Churchill est un film sur l’intime dans la vie d’une personnalité célèbre de l’Histoire, la Grande, celle du milieu du siècle dernier. Teplitzky l’a compris et a largement contribué à bâtir une mise en scène où élégance des intérieurs se juxtaposent aux extérieurs d’une valeur symbolique majestueuse. Comme ces colonnes grecques ou romaines qui situent l’homme, vu petit, un point dans l’Histoire du monde, un petit bout de rien qui oscille entre le bien et le mal. Et soudain, des contre-plongées magiques en forme des gros plans qui soulèvent son pouvoir dans l’écorce terrestre.
Ce paradoxe entre l’Être et le Monde n’est pas dépourvu de sens. C’est dans cette perspective que l’on doit associer ce fim ample, émouvant, vu par le grand bout de la lorgnette, établissant des correspondances entre la réalité et la fiction que l’on peut se faire de celle-ci.
Et pour interpéter cet Homme plus grand que nature, un Brian Cox ensorcelant, rendu aux communs des mortels – la scène où à travers la fenêtre de sa voiture, il fait le signe « V » de la victoire à des enfants qui le reconnaissent et lui rendent la pareille, est d’une force d’émotion exceptionnelle. Car dans ce très beau film imparfait, la fugace intimité de la raison est désespérément complice d’un principe humain trop souvent oublié : le concept de l’éthique. Fondement de toute civilisation vivant en harmonie. C’est pas ces moments qui nous paraissent anodins, qui n’ont peut-être pas eu lieu, mais qui auraient pu l’être, que Churchill est un grand film. Comme le personnage lui-même, irascible, logique et humainement complexe.
Genre : Drame biographique – Origine : Grande-Bretagne – Année : 2017 – Durée : 1 h 38 – Réal. : Jonathan Teplitzky – Int. : Brian Cox, Miranda Richardson, John Slattery, Ella Purnell, Julian Wadham, Richard Durden – Dist. : Métropole Films.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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