22 juin 2017
Durant et peu après la Révolution tranquille, le Québec perd un demi-million de ses résidents anglophones, des parents du cinéaste John Walker, partis s’installer en Ontario. Sans doute jugé tabou, cet épisode de l’histoire du Québec n’a jamais été vraiment abordé au cinéma, et en tout cas pas de manière aussi franche et intime que le fait ici le réalisateur. Taillé pour la télévision, Québec: My Country, mon pays parcourt la tranchée qui sépare anglophones et francophones depuis des générations en mettant l’accent sur les événements qui ont mené à cet exode. La prise de conscience du fait français en politique, l’importance des arts dans la conscientisation des canadiens-français, et, bien entendu, les actes terroristes du FLQ sont montrés par le biais d’entrevues bilingues ou unilingues anglais et l’emploi de documents d’archives et d’extraits des deux oeuvres marquantes que sont Le chat dans le sac de Gilles Groulx ou Pour la suite du monde de Michel Brault et Pierre Perrault.
Si sur la forme rien ne choque, sur le fonds, le film de Walker propose une interprétation de l’Histoire qui ne fera sans doute pas l’unanimité. Étant donné qu’il n’accorde que peu de lumière à ses propres interrogations, Walker s’appuie essentiellement sur le sentiment d’injustice exprimé par plusieurs de ses proches. Un vif et profond déchirement d’une famille coupée en deux ressort des propos amers qui, malgré la sincérité de leur passion, paraissent manquer de fondement. Alors que certains affirment se sentir « citoyens de seconde classe » et que la jeune recherchiste fait part des « centaines » de quolibets dont elle fait l’objet du fait de sa langue maternelle, on ne peut s’empêcher de s’étonner devant la profondeur d’un tel sentiment de rejet.
Même si l’on perçoit nettement l’aspect émotif du sujet pour l’auteur – les rappels à l’histoire de ses ancêtres écossais nous le montrent bien – on se questionne sur ces discussions à sens unique, confirmées par un Jacques Godbout placide ou un Denys Arcand goguenard. On aurait cependant aimé que le point de vue des « frogs » soit un peu plus mis de l’avant, mais surtout que ces affirmations soient un tant soit peu confortées par une vision sociologique, voire analytique de ce qui mine depuis toujours les relations entre les deux cultures. Aussi véridiques et justifiées soient-elles, ces récriminations nous donnent l’impression de voir s’affronter deux communautés rigoureusement incapables de se comprendre. Ce qui dans ce que l’on observe au quotidien (en tout cas à Montréal) ne nous semble pas si profondément et si douloureusement ancré que ce qui nous est présenté ici.
Genre : Documentaire social – Origine : Canada – Année : 2016 – Durée : 1 h 30 – Réal. : John Walker – Dist. : Rapide-Blanc.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cinéma du Parc
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
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