19 juillet 2017
Si vous deviez voir trois films remarquables qui procurent trois expériences uniques sur trois événements importants de la Deuxième Guerre mondiale, abordés de trois approches esthétiques différentes par trois grands maîtres du cinéma contemporain, vous choisiriez sûrement Saving Private Ryan de Steven Spielberg (le débarquement en Normandie en 1944), The Thin Red Line de Terrence Malick (la campagne de Guadalcanal en 1942) et le diptyque de Clint Eastwood formé de Flags of Our Fathers et Letters from Iwo Jima (guerre du Pacifique en 1945), auxquels il faut désormais ajouter ce Dunkirk de Christopher Nolan. Cette œuvre majeure du cinéaste britannique se concentre sur un fiasco militaire qui se produisit à Dunkerque en France du 20 mai au 4 juin 1940, alors que l’armée allemande a confiné sur les plages près de quatre cent mille soldats français, belges, anglais, écossais et canadiens, attendant tous d’être évacués par la mer.
La particularité de l’approche de Nolan réside dans un magistral montage alterné qui imbrique trois lignes temporelles différentes se déroulant dans trois espaces spécifiques : une semaine sur les plages de Dunkerque avec les soldats désespérés, une journée en mer avec les petits bateaux britanniques qui partent de la côte est d’Angleterre pour rejoindre les rives de Dunkerque à l’ouest et, enfin, une heure dans les airs avec quelques avions de chasse Spitfire britanniques survolant la région pour protéger les troupes au sol. L’ingéniosité et la complexité de ce montage reposent sur la façon dont Nolan parvient à intercaler les événements pour créer une tension qui ne faiblit jamais pendant les 96 minutes que dure l’opération, nous faisant revoir sous un autre angle et dans un autre espace-temps des actions que l’on ne peut que saisir à rebours.
Il s’agit du film le plus court de Nolan (106 minutes avec un générique de 10 minutes!), mais aussi le plus dense, le plus expérimental et le plus risqué sur le plan dramatique. Car ne cherchez pas le personnage principal ou le héros qui sauve la situation ou le soldat qui veut revoir sa belle ou la mère éplorée qui attend désespérément le retour de son fiston. Quelques soldats, officiers et civils se démarquent de l’ensemble, mais c’est la mouvance de toute cette masse humaine qui motive le passage d’une section à l’autre. Le récit s’enclenche comme un jeu de dominos, avec deux soldats en fuite au début, qui débouchent sur quelques dizaines de fantassins belges avant de déboucher des centaines et des milliers qui attendent en ligne sur la plage, pendant que les avions allemands attaquent, que les U-Boats lancent les torpilles et que les navires coulent. Les officiers trépignent pendant que les marins civils s’organisent et que les aviateurs britanniques partent à la rescousse. Toutes ces lignes de force se rencontrent pour l’opération de sauvetage avant de se disperser. Cette approche intellectuelle renforce l’absurdité d’un conflit où chacun lutte pour sa survie, souvent au détriment des autres.
De toute cette confusion minutieusment orchestrée et précisément chorégraphiée par le cinéaste, des individus émergent par leur bravoure, leur sens du devoir et leur résilience. Mark Rylance affiche un flegme tout britannique dans son rôle de marin déterminé et loyal. Cilian Murphy parvient à humaniser son personnage de soldat traumatisé par la puissance de l’attaque allemande. Tom Hardy n’a que ses yeux pour communiquer la concentration et la témérité du pilote qu’il interprète avec un visage couvert par le masque à oxygène dans son habitacle. James D’Arcy imprègne son Colonel Winnant d’une tristesse et d’une noblesse très touchantes. Si seulement Hans Zimmer pouvait un peu lever le pied sur ses synthétiseurs et ses harmonies ultra-basses qui compressent nos poumons dans la salle. Quoique, lorsqu’à la fin, soudainement, la musique s’arrête, le tic-tac incessant disparaît, les vibrations s’évaporent et le son ambiant diminue, il se dégage de ce percutant film de guerre un moment de… paix.
Genre : Drame de guerre – Origine : États-Unis / Grande-Bretagne / France / Pays-Bas – Année : 2017 – Durée : 1 h 46 – Réal. : Christopher Nolan – Int. : Tom Hardy, Cillian Murphy, Harry Styles, Mark Rylance, Kenneth Branagh, James D’Arcy – Dist. : Warner Bros. Canada –Horaires
@ Cinéma du Parc – Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
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