En salle

War for the Planet of the Apes

13 juillet 2017

Semaine du 14 au 20 juillet 2017

RÉSUMÉ SUCCINCT
Quelques années après le début des combats engagés par Koba, un singe haineux et rancunier, César caresse toujours le rêve de mettre fin au conflit avec les humains de façon pacifique. Mais constamment traqués par une milice armée dirigée par un infâme colonel, lui et les siens doivent se défendre.

CRITIQUE
Texte : André Caron

★★★★

AU CŒUR DES TÉNÈBRES DE L’INHUMANITÉ

Plus imposant que les deux premiers volets de 2011 et 2014, War For the Planet of the Apes pose une question encore plus pertinente et beaucoup plus urgente, bien au-delà de l’exploit technique qu’il reprèsente : souhaitons-nous vraiment la survie de l’humanité ou avons-nous déjà abdiqué en laissant la nature reprendre ses droits et décider pour nous ? Si une véritable épidémie se répandait sur la Terre comme dans Rise, serions-nous capables de nous prendre en mains et de nous entraider, ou laisserions-nous libre cours à nos plus bas instincts ? La thèse de ce troisième chapitre propose que l’esprit guerrier et destructeur des humains prendraient rapidement le dessus et que la peur, la haine et l’angoisse de l’annihilation certaine de l’humanité auraient préséance sur la raison, la générosité et l’altruisme, désormais l’apanage des singes. N’est-ce pas d’ailleurs un incroyable paradoxe que nous sympathisions avec les singes plutôt qu’avec les humains menacés d’extinction?

Comme dans les deux films précédents, les auteurs
situent le contexte du récit beaucoup trop proche de nous
afin de garder le contact avec Caesar, mais il est difficile de
croire que seulement cinq ans séparent les événements de Dawn
et de War. Les humains, tous des soldats, sont tellement cruels
et vicieux que l’antagonisme devient rapidement manichéen.

Dans le roman La Planète des singes que Pierre Boule a publié en 1963, le drame résidait dans la perte d’humanité et l’acclimatation du héros à une civilisation simiesque sur une autre planète. Ce n’est qu’en revenant sur Terre des centaines d’années plus tard qu’il se rend compte que les singes y dominent aussi désormais. Dans le film de Franklin J. Schaffner en 1968, le héros se rend compte, en se retrouvant devant ce qui reste de la Statue de la liberté, qu’il est toujours sur Terre deux mille ans plus tard : la guerre nucléaire a eu raison de la civilisation humaine. Mais de film en film jusqu’en 1973, plus les singes devenaient populaires auprès du public, plus la sympathie se tournait vers eux, jusqu’à devenir les héros à partir de Escape (1971). Aujourd’hui, le chimpanzé Caesar devient carrément le héros des trois films dès le début et dans War, il revêt un caractère messianique encore plus évident, l’associant à la fois au Christ en croix et à Moïse dirigeant son peuple vers la terre promise (cinéma américain aidant).

War of the Planet of the Apes_Critique

Comme dans les deux films précédents, les auteurs situent le contexte du récit beaucoup trop proche de nous afin de garder le contact avec Caesar, mais il est difficile de croire que seulement cinq ans séparent les événements de Dawn et de War. Les humains, tous des soldats, sont tellement cruels et vicieux que l’antagonisme devient rapidement manichéen. Il y a aussi cette association trop évidente des singes devenus les esclaves des soldats avec le peuple hébreu sous l’emprise des Égyptiens dans la Bible. Les détours que prend Caesar pour confronter le Colonel (Woody Harrelson) sont trop controuvés et l’évident « Act of God » final verse carrément dans The Ten Commandments. Le Colonel ressemble d’ailleurs à un mélange du pharaon Ramsès, du Kurt d’Apocalypse Now et du nazi Amon Goeth dans Schindler’s List afin d’être certain d’obtenir la quintessence du méchant par excellence.

L’ironie du sort du Colonel tourne au désespoir
pathétique et signale le destin tragique des humains dans
ce  monde où les singes sont appelés à dominer la planète.
L’héritage de Caesar passe par son jeune fils Cornélius
(le savant du film original et père du héros de Conquest
et Battle) qui devra assurer la pérennité de son clan.

En dépit du factice de ce scénario, le film prend des allures de fresque épique en adoptant un ton très solennel et en offrant des moments de poésie visuelle surprenants dans une production de 150 millions de dollars, de surcroît un produit commercial issu d’une franchise à succès. Le noble dilemme de Caesar est pourtant le suivant : se laissera-t-il dominer par sa soif de vengeance, sa rage et sa haine ou parviendra-t-il à contenir ses émotions pour permettre à la raison de le guider dans ses actions? Son salut passe par la fillette muette et humaine baptisée Nova (la compagne humaine de Taylor dans le film original de 1968). Elle agit comme une âme en peine qui gracie d’abord un gorille avec une fleur, puis Caesar avec une poupée, de l’eau et de la nourriture qui prenne la forme symbolique d’une offrande et d’une alliance. Ce sont les plus beaux moments poétiques du film et ils s’imprègnent d’une douceur inattendue dans le contexte guerrier environnant. L’ironie du sort du Colonel tourne au désespoir pathétique et signale le destin tragique des humains dans ce monde où les singes sont appelés à dominer la planète. L’héritage de Caesar passe par son jeune fils Cornélius (le savant du film original et père du héros de Conquest et Battle) qui devra assurer la pérennité de son clan.

Le crâne chauve du Colonel, son statut militaire, ses tirades conradiennes ne peuvent que l’associer au Kurtz qu’interprétait Marlon Brando dans le film de Francis Ford Coppola. Si vous pensez que c’est un hasard, la présence du graffiti « APE-POCALYPSE NOW » dans un tunnel précise davantage la référence. Le réalisateur Matt Reeves a démontré dans Dawn, comme son prédécesseur Rupert Wyatt dans Rise, son penchant pour les citations filmiques et War ne fait pas exception. La barricade que construisent les singes-prisonniers renvoient au Bridge on the River Kwai de David Lean (dont Pierre Boule a aussi écrit le roman). Le geste de bravade des singes-esclaves qui unissent leurs mains au-dessus de leurs têtes (« singes forts ensemble ») rappellent le Spartacus de Kubrick. La folie guerrière muette entre les soldats humains, accompagnée d’une douce musique et contemplée par un Caesar décontenancé, suggère le Ran de Kurosawa. Mais même ces évocations subtiles d’Aliens et du Dr. Zhivago (encore David Lean), que je vous laisse repérer, ne doivent pas faire perdre de vue l’enjeu central : allons-nous retrouver notre humanité civilisée ou sombrerons-nous dans les ténèbres de l’inhumanité pour laisser place aux nobles sauvages de la planète des singes?

Sortie :  vendredi 14 juillet 2017
V.o. :  anglais / Version française

La guerre de la planète des singes

Genre :  Aventures de science-fiction – Origine : États-Unis –  Année :  2017 – Durée :  2 h 20  – Réal. : Matt Reeves – Int. : Andy Serkis, Woody Harrelson, Karin Konoval, Steve Zahn, Ty Olson, Max Lloyd-Jones –  Dist. :  20th Century Fox.

Horaires
Cineplex

Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)

MISE AUX POINTS
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