6 octobre 2017
La découverte de soi, l’éveil sexuel, le passage à l’âge adulte : des sujets qui semblent intéresser les jeunes cinéastes françaises. Et elles abordent ces thématiques avec plus d’audace et de transgression que jamais depuis quelques temps. Julie Ducournau est allé dans l’extrême avec le cannibalisme dans son magnifique Grave l’an dernier. Cette année, c’est au tour de Léa Mysius, 28 ans, de s’attaquer à ces sujets qui peuvent facilement tomber dans le cliché. Avec la cécité d’une jeune adolescente comme trame de fond, elle fait toutefois preuve d’une jolie maîtrise dans son très beau Ava, son premier film à titre de réalisatrice.
Ava est une jeune fille de treize ans qui passe ses vacances avec sa mère dans une ville balnéaire du sud de la France. Lors d’une visite chez son optométriste, elle apprend que sa vision s’affaiblit dangereusement et qu’elle la perdra définitivement plus tôt que prévu. Sa mère, contrôlant mal ses émotions, s’entête à ce que sa fille passe tout de même le plus bel été de sa vie. Mais Ava, solitaire et révoltée, décide d’affronter le problème autrement, dans l’urgence de vivre et de voir, avant que tout disparaisse.
Dès le plan d’ouverture, on est frappé par les couleurs. Les parasols, les maillots de bain, les jouets qui traînent sur la plage : une orgie de couleurs s’offre à nos yeux. Puis la caméra se concentre sur un chien noir qui se faufile à travers cet arc-en-ciel peuplé de vacanciers. Le chien se rend jusqu’à Ava, endormie sur le bord de l’eau, vêtue de son maillot de bain bleu et rose, pour lui voler quelques frites. À l’image de cette première scène, tout au long de son film, Léa Mysius se concentre sur la noirceur qui vient contaminer les couleurs, la noirceur qui suit toujours Ava, et envahit sa vision et son esprit.
Le film est donc éclatant de lumière solaire dans sa première partie et s’assombrit de plus en plus alors que la fin approche. Des taches d’ombre ou de noir ne cessent d’apparaître dans la caméra de Mysius. La contamination commence avec ce chien sur la plage, puis avec les mains tachées de peinture d’Ava et, surtout, avec ce ténébreux gitan aux shorts et aux cheveux noirs qui deviendra l’objet des désirs et de la passion de notre protagoniste.
Ce procédé d’opposition entre noirceur et couleur est extrêmement bien maîtrisé par la cinéaste. Il permet la composition de magnifiques images mais aussi une exploration riche de la psyché de l’héroïne. Celle-ci est admirablement campée par la jeune Noée Abita, une véritable révélation. À travers un jeu physique impressionnant, elle offre une performance animale. Elle est grouillante de vie, de passion, de fougue.
À l’image de sa protagoniste, Ava est une œuvre brûlante de sensualité. Dans le jeu charnel d’Abita pour commencer, mais également dans ses images, ses sublimes paysages de l’Atlantique et dans sa façon d’aborder ses thématiques, son rapport à la mer, à la chaleur, à la peau. Une aura constante de mystère, de romance et de sensualité plane sur le film.
Le scénario est également enlevant et original. Le réalisme, la crédibilité ou la cohérence sont le plus souvent absents… et c’est tant mieux ainsi. Le film surfe tout de même à la limite du magique, voire du fantastique. La réalisatrice arrive à maintenir cette tension avec une grande habileté. À l’instar de ce que l’on vit au début de l’adolescence, tout ne fait pas toujours de sens dans ce film, et c’est ce qui en fait sa beauté.
Genre : Drame – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 45 – Réal. : Léa Mysius – Int. : Noée Abita, Laure Calamy, Juan Cano, Tamara Cano, Carmen Gimenez, Mila Cheuzzi – Dist. : FunFilm.
Horaires
@ Cinéma Beaubien
Classement
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MISE AUX POINTS
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