6 octobre 2017
En contemplant ce bel objet d’art qu’est Blade Runner 2049, une étrange impression traverse l’esprit du spectateur averti, familier avec le premier Blade Runner. Que vous ayez vu la version originale de 1982, le remontage de 1992 ou la version de 2007 approuvée et restaurée par Ridley Scott, la structure du film demeure intacte et les changements apportés sont surtout d’ordre esthétique et symbolique (le rêve de Deckard, par exemple). On découvre alors que la structure de cette suite épouse en tous points le déroulement narratif de son modèle. Le détective KD6-3.7, plus tard appelé Joe (Ryan Gosling), se substitue à Deckard (Harrison Ford) et affronte un colosse au début du film, Sapper Morton (Dave Bautista), l’équivalent de Leon. « K » fait rapport au lieutenant Joshi (Robin Wright) qui remplace le capitaine Bryant. Dans son enquête, Joe trouve une fleur au lieu d’écailles, un cheval en bois à la place d’une licorne, une photo d’une femme près d’un arbre et non de Rachael enfant, tandis que le vieux Gaff (Edward James Olmos) fabrique l’origami d’un cheval, pas d’une licorne. Joe finit par retrouver Deckard à la fin du deuxième acte, exactement comme Roy s’introduisant chez le docteur Eldon Tyrell dans Blade Runner.
Tous ces flagrants parallèles s’inscrivent dans une nouvelle tradition hollywoodienne du remake déguisé en suite, suivant le même schéma que Tron: Legacy et Star Wars: The Force Awakens : trente ans plus tard, un jeune homme ou une jeune femme recherche un disparu (Flynn, Luke Skywalker, Deckard) qui partagent une filiation directe ou indirecte. Le défi consiste alors à produire une réplique plus imposante qui reconduit les moments forts de l’original dans un environnement encore plus riche et fouillé sur le plan esthétique, ce que réussit Tron mais pas Star Wars.
Blade Runner 2049 se situe un peu entre les deux, en partie grâce à la sublime lumière générée par le grand maître de la direction photo, Roger Deakins, qui a beaucoup travaillé avec les frères Coen et Denis Villeneuve sur Prisoners et Sicario. De concert avec d’immenses décors et une direction artistique extrêmement recherchée, Deakins érige d’étincelants tableaux plus saisissants les uns que les autres. Tous ces artistes permettent ainsi à Villeneuve d’extrapoler sur le monde créé par l’équipe de Ridley Scott en 1982 et de pénétrer en profondeur le relief de ce film, plongeant avec sa caméra au-dessus des pâtés de maisons aux rues lumineuses et s’éloignant de Los Angeles pour se lover sur une Las Vegas désertée, affublée d’énormes statues de femmes nues qui rappellent le plan d’ouverture de One From the Heart de Francis Ford Coppola.
Plusieurs images possèdent une qualité poétique et onirique indéniable, mais l’ensemble s’enlise dans une contemplation glaciale et distante, fortement inspirée par A.I. Artificial Intelligence dans sa vision de Los Angeles et par l’esthétique d’Andrei Tarkovski (Stalker, Nostalghia, Sacrifice) dans son évocation de Las Vegas. L’émotion suscitée par les personnages, surtout dans le troisième acte, semble factice et artificielle, surtout que les basses fréquences tonitruantes (de la musique, ça ?) de Hans Zimmer alourdissent toutes les supposées révélations surprenantes, ne parvenant aucunement à faire oublier l’envoûtante trame sonore de Vangelis dont les tonalités réapparaissent inopinément pour magnifier le passage le plus triste du film. À l’instar de son retour en Han Solo, l’apparition de Harrison Ford en Rick Deckard vieilli et angoissé redonne de la vigueur à un récit qui commençait à stagner. Son intensité rassurante fait revivre avec aplomb un personnage « more human than human », piégé dans un film plus « réplicant » qu’humain.
Genre : Drame de science-fiction – Origine : États-Unis / Canada / Grande-Bretagne – Année : 2017 – Durée : 2 h 44 – Réal. : Denis Villeneuve – Int. : Ryan Gosling, Harrison Ford, Jared Leto, Ana de Armas, Robin Wright, Dave Bautista – Dist. : Warner Bros. Canada.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes] – LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.