6 octobre 2017
Le Brésilien Fellipe Barbosa signe ici un hommage émouvant et sincère à un ami disparu. Second long métrage de fiction après Casa Grande (2014), inédit au Québec, Gabriel et la montagne est marqué du sceau de la poésie et de l’expérience cinématographique. Car c’est aussi de cela, voire surtout de cela, que parle ce beau film d’une beauté esthétique indéniable : du cinéma, de son pouvoir à capter les images, de sa puissance à évoquer la nature et sa force d’attraction. En quelque sorte, faisant du médium, quelque chose de plus fort que la vie.
C’est ce qui explique également le côté quasi fantomatique des personnages (hormis la partie romantique entre le protagoniste principal et sa fiancée), des hommes et des femmes de passage, filmés dans de courtes scènes, comme si pour Gabriel, ce voyage initiatique se situait hors du temps et du monde, comme une étoile filante qui ne s’invite pas. C’est cette apesanteur qu’on ressent dans ce film d’une gracieuse sensualité : collines, montagnes, chutes d’eau, nature sauvage et resplendissante, individus aussi, atteint par une grâce presque magique et hautement sensorielle.
La mise en scène, d’une éclatante fluidité, sert de prétexte au jeune réalisateur pour se prononcer sur la notion du plan et de sa durée : le cadre se manifeste par sa majestuosité et en même temps se perd parfois dans une gravité presque sereine, voulue, côtoyant l’être et son environnement avec douceur. Et après tout, c’est peut-être cela, l’Afrique, comme un début du monde que Gabriel, consciemment sans doute, se permet de découvrir, pour ensuite disparaître.
Cette dualité octroie au film son caractère binaire. Si la linéarité du récit est respectée, le flashback se manifeste presque entièrement en voix off comme s’il s’agissait d’une enquête, elle-même double dans sa fonction, celle d’abord d’un individu disparu, et ensuite un aperçu documentaire sur une partie de l’Afrique noire, présenté en forme de chapitres (chacun correspondant à un pays en particulier). Mais surtout, pour Barbosa, un questionnement sur son travail de cinéaste et dans le même temps sur sa condition d’humain, un homme parmi les autres.
Car les rapports entre Gabriel et les personnes rencontrées au cours de ce beau voyage évoquent en quelque sorte l’Odyssée grecque, mais substitué ici sous la forme d’un Ulysse moderne et brésilien, franc, sincère, en grâce avec le monde. Car au fond, la mort que nous apprenons dès le début du film est en fin de compte la métaphore de notre passage sur terre. Voir, apprendre, connaître et aimer avant de s’en aller. Riche, éveillé.
Genre : Drame – Origine : Brésil / France – Année : 2017 – Durée : 2 h 11 – Réal. : Fellipe Barbosa – Int. : João Pedro Zappa, Caroline Abras, Alex Alembe, John Goodluck, Lenny Siampala, Rashidi Athunan – Dist. : Maison 4/3.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
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