19 octobre 2017
Les échos critiques et cinéphiliques étaient presques tous unanimes en ce qui a trait au tout récent film d’Agnès Varda, cette merveilleuse jeune cinéaste qui, à peine 87 printemps au moment du tournage, rejoint l’artiste JR pour proposer une image de la vie, aujourd’hui, à travers le prisme de la caméra (cinématographique et photographique) et l’existence de personnages captés, pris loin de la grande ville, dans une France régionale qui rejoint les vraies âmes qui la composent.
Et puis Agnès et JR, deux combattants des temps modernes, deux amoureux des images fixes et surtout pour la première, en mouvement. JR, c’est le street-artist (artiste de la rue), captif de son pouvoir social et politique, son esthéthique particulière, ses représentations grand format, donnant au film un aspect aussi intemporel que magnifiquement émotionnel.
En premier lieu, Visages villages et une rencontre, ou mieux encore des rencontres, avec le cinéma, ses multiples variations et nuances, son impact sur la vie, sur les gens, sur la parole ou son manque. Mais c’est aussi un film délicatement interventionniste, dans le sens positif du terme, dans tout ce qu’il cache comme nuances. Par les temps qui courent, c’est jusement ces légères différences à l’échelle humaine qui nous manquent aujourd’hui, une ère dramatiquement polarisée où la thèse cartésienne n’existe plus.
Agnès Varda nous offre ici une leçon de choses et se conduit avec JR, comme s’il s’agissait d’un élève qui apprend d’elle. Il rouspète et elle répond. Il s’impose et elle s’arrange pour inverser las situation. Il essaie de se battre amicalement et elle favorise le dialogue silencieux. Et finalement, la nuance l’emporte dans un face-à-face d’amoureux entre une vieille dame chaleureusement indigne et un jeune artiste bohème, comme elle d’ailleurs, qui a tout le temps devant lui et ne désire qu’emporter sa complice avec lui.
Varda ne se cache pas derrière ses lunettes. JR, si. Qui est-il ? D’où vient-il ? En curieux et observateur que je suis, je peux prétendre savoir. D’ailleurs, peut-être que deux moments dans le film me laissent souscrire au bien fondé de mon hypothèse. Est-ce aussi important que cela ?
La réponse est oui, autant pour lui que pour elle. Il y a quelques années, lors de la présentation du film Les glaneurs et la glaneuse au festival de Thessalonique, en Grèce, la réalisatrice confirmait qu’un de ses oncles étaient d’origine grecque et que cette caractéristique avait sans doute influencé sa carrière.
Effectivement, pourquoi ce goût prononcé et délicat pour les images, les pierres, les sculptures de l’Histoire. Le court Les dites Cariatides (1984) n’est-il pas un exemple frappant. Et puis, JR, que vient-il faire dans toute cette histoire. Regard perçant derrière ses lunettes godardiennes, son sens du rythme, de la cadence, ludique, enjoué, vachement sympa, d’une tendresse infinie avec sa vraie grand-mère (magnifique moment du film). Ne pouvons-nous pas confirmer sa méditerranéité, donc d’un rapport antique au monde ?
Mais Visages villages va encore plus loin. Le film expose l’individu à son patrimoine terrestre, lui rappelle que l’art n’est pas un simple caprice, mais qu’il contribue au progrès social et individuel, et plus que tout, contribue à une meilleure connaissance du monde.
Et puis, assise sur un rocher non loin de la plage, Varda invente une caméra, cette fois-ci, fictionnelle, qui la capte en légère plongée, le visage aguerri, les yeux un peu tristes, le regard non pas absent, mais affectueusement interrogateur. Comme si par un étrange pouvoir annonciateur, elle laissait entendre que ce moment lyrique ressemble peut-être à chant du cygne. Partir pour laisser les autres revenir et ultimement durer.
Genre : Documentaire – Origine : France – Année : 2017 – Durée : 1 h 32 – Réal. : Agnès Varda, JR – Dist. : MK2 | Mile End.
Horaires
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Tout public
MISE AUX POINTS
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