9 novembre 2017
Qui ne se souvient des petites moustaches en pointes d’un noir d’encre d’Albert Finney en Hercule Poirot dans le film de Sidney Lumet (1974) ? On retrouvait la fine fleur des acteurs de l’époque, dont Lauren Bacall, Ingrid Bergman, Vanessa Redgrave, Sean Connery, Jacqueline Bisset, John Gielgud, Anthony Perkins et Wendy Hiller dans le rôle de la princesse Dragomiroff.
En termes de paillettes (ce qui n’est pas toujours synonyme de talent, mais ne l’exclut pas non plus), la production de Kenneth Brannagh n’a rien à envier à celle de Lumet puisqu’on y retrouve une brochette de méga-stars dont Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Judy Dench, Willem Dafoe, Tom Bateman et Josh Gad.
Brannagh est un Poirot dont les « petites cellules grises », toujours actives, lui permettent de percevoir le point où la droiture des choses se cabosse, se tord, se gauchit, pour terminer en crime. « Peut importe ce que les gens racontent, il y a le vrai et il y a le faux » lance le détective. Mais il est aussi un Poirot amoureux et sensible, passablement plus athlétique que ses incarnations précédentes. C’est également un Poirot orné de la moustache la plus phénoménale de ce siècle.
Malgré la popularité mondiale des romans d’Agatha Christie, son écriture est bien celle du mitan du XXe siècle. La collaboration de Branagh avec le scénariste Michael Green rafraîchit le texte tout en gardant la truculence des personnages, dont la terrible princesse Dragomiroff interprétée avec bonheur par une Judi Dench mise au goût du jour et dépourvue du masque de poudre qui affublait la haute dame dans le film de Lumet. De la même manière, le personnage de Caroline Hubbard (Michelle Pfeiffer) gagne en séduction tandis que le médecin Dr. Arbuthnot est joué par l’acteur afro-américain Leslie Odom Jr, ce qui permet d’étoffer le discours aryen du professeur Hardman.
La cinématographie a elle aussi été modernisée, parfois trop ; l’utilisation des écrans CGI donnant une désagréable touche artificielle aux plans de paysages de montagne et de neige et à ceux de la ville d’Istanbul. Le directeur-photo Haris Zambarloukos joue beaucoup sur les plongées verticales et les longs travellings latéraux. Si les seconds sont justifiés pour permettre d’apprécier la beauté du train, grand héros visuel du film dans sa taille mais moins dans ses détails, les premiers forcent parfois la note. C’est quand il joue avec les images des suspects qui mentent, dédoublant leur images à travers les portes vitrées, que Zambarloukos excelle, montrant la construction virtuelle de chacun.
Si chaque temps nous apporte un nouvel Hercule, de David Suchet à Peter Ustinov, on pourrait également dire que chaque Hercule personnifie son époque. Celui de Kenneth Brannagh est issu des films d’action et des production à hauts effets de caméra. Mais il est aussi un homme amoureux doué d’un grande sensibilité, aussi fantasque que précis, et d’une immense intelligence émotionnelle. À voir, ne serait-ce que pour la capacité de Brannagh à porter la moustache la plus extravagante depuis Dali, sans tomber dans le ridicule.
Genre : Suspense – Origine : États-Unis / Malte – Année : 2017 – Durée : 1 h 55 – Réal. : Kenneth Branagh – Int. : Kenneth Branagh, Penélope Cruz, Willem Dafoe, Johnny Depp, Derek Jacobi, Judi Dench – Dist. : 20th Century Fox.
Horaires
@ Cineplex
Classement
Tout public
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