29 mars 2018
Il fallait bien un cinéaste de 71 ans comme Spielberg pour concevoir un film aussi jeune et aussi vivifiant, qui prend comme toile de fond l’univers des jeux vidéo et qui table à fond sur les références aux années 1980 et 1990, sans pour autant oublier d’être touchant lorsqu’il le faut. Non, pas juste un cinéaste, un « filmmaker », un vrai « faiseur de films » de divertissement qui adore alterner avec des œuvres plus sérieuses. En effet, Ready Player One sort à quelques mois seulement de The Post, une tradition commencée avec Jurassic Park et Schindler’s List (1993), qui se poursuit avec Catch Me If You Can et Minority Report (2002) ou War of the Worlds et Munich (2005).
Le film s’ouvre sur un bidonville en plein milieu de Columbus en Ohio, un environnement qui ressemble à s’y méprendre au monde dystopique illustré dans Elysium (2013), de Neill Blomkamp. Mais là s’arrête la comparaison car nous sommes en 2045 (pensez : cent ans après 1945…) et le jeu d’immersion Oasis occupe tout l’espace imaginaire de la population entière. L’image la plus terrifiante survient d’ailleurs lorsque l’on voit tous ces gens munis de visières qui déambulent sans direction apparente dans le monde réel, une extrapolation évidente des accros au cellulaire d’aujourd’hui. L’image la plus forte se situe aussi dans la réalité, quand les deux adolescents prennent le temps de se toucher les doigts dans un moment de calme désarçonnant et attendrissant au cœur d’un récit trépident qui ne relâche jamais.
Le jeune comédien Tye Sheridan s’investit corps et âme dans son rôle de Wade Watts, qui lui-même plonge à pieds joints dans l’Oasis, donnant à son avatar le nom de Parsifal. Il a donc une quête christique. Il recherche le Saint-Graal du jeu, les trois clés qui mènent à l’« Easter Egg » bien caché dans la mémoire de James Halliday (génial Mark Rylance), l’inventeur messianique décédé il y a cinq ans. Mais Ty Sheridan est aussi l’avatar de Spielberg, avec ses lunettes et sa tête de « nerd ». De Spielberg à Sheridan à Wade à Parsifal, nous passons d’un avatar à un autre pour atteindre le Saint-Graal des cinéphiles : investiguer l’espace filmique imaginé par Stanley Kubrick pour The Shining en 1980.
Nous voilà donc en train de déambuler dans les couloirs de l’Hôtel Overlook jusqu’à la chambre 237, une séquence extraordinaire qui donne des frissons. Il ne serait pas étonnant que bien des gens se ruent pour redécouvrir ou voir pour la première fois le chef-d’œuvre de Kubrick après avoir exploré cet espace ludique.
Il y a beaucoup trop de références comme celles-ci qui passent en coup de vent pour que le spectateur puisse tout digérer au premier visionnement. Le film est ainsi conçu pour être revu plusieurs fois. Il faut au moins 30 minutes au début pour bien comprendre toutes les règles du jeu et une autre demi-heure pour saisir le véritable enjeu de l’intrigue. La petite morale de la fin semble aussi un peu plaquée, elle-même un retour à la touche spielbergienne des années 1980. Ces lacunes s’oublient rapidement grâce à l’impressionnante performance de Rylance en inventeur mal dans sa peau. La rencontre de son avatar avec Wade vers la fin s’avère le moment le plus prenant du film, surtout si vous en saisissez la portée. Voyons si vous êtes prêts à jouer, seul ou en groupe.
Réalisation
Steven Spielberg
Genre : Science-fiction – Origine : États-Unis – Année : 2018 – Durée : 2 h 20 – Dist. : Warner Bros. Canada.
Horaires & info.
@ Cineplex
Classement
Tout public
(Déconseillé aux jeunes enfants)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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