27 avril 2018
Dans une scène d’ouverture criante de vérité, Miriam (Léa Drucker) comparaît devant une juge afin de plaidoyer pour obtenir la garde exclusive de son fils Julien (Thomas Gioria). Si elle est arrivée à ce point, on se doute bien que c’est parce qu’Antoine (Denis Ménochet), le père, a déjà commis l’inadmissible; on ne se tourne vers le système de justice que lorsqu’on a épuisé nos options. Mais ce dernier opère selon ses propres codes et ne croit surtout pas sur parole. Tout se joue dans ces quelques minutes de plaidoyer: manipulation, victimisation, mensonges. Tout y passe.
On tranche en faveur de la garde partagée, une décision somme toute peu surprenante: la justice favorisera toujours les droits et libertés de chacun aux allégations improuvables de femmes. Mais si cette décision n’est que pure abstraction pour le système juridique, ce sont les ramifications concrètes de cette dernière dont nous serons témoins lors de la prochaine heure et demie. Certains reconnaîtront en cette prémisse la suite de la seule réalisation préalable de Xavier Legrand, soit le court métrage Avant de ne tout perdre, acclamé dans plusieurs festivals. Toutefois, nul besoin de voir ce premier épisode tant ce long métrage se suffit à lui-même.
Dans ce nouveau chapitre, on découvre que c’est un profond sentiment de désespoir qui motive les décisions et les gestes dans la cellule familiale scindée des Besson. À court de moyens, mais résilients et débrouillards, les personnages épuisent une à une leurs options pour en arriver à leur fin, qu’elle soit charitable ou égoïste. En ce sens, le petit Julien devient en quelque sorte une monnaie d’échange pour ses parents, c’est-à-dire l’objet de chantage et de manipulation.
Captif de ce tumulte et soucieux pour le bien-être de sa famille, il se fera médiateur, décidant quelles informations devraient être relayées entre ses parents ou gardées sous silence. C’est d’une tristesse inouïe de voir ce gamin ainsi écartelé, mais déterminé à ce que sa famille ne revit pas le même drame qui les a menés où ils sont aujourd’hui.
Triste, et inquiétant aussi. Car cette menace n’est pas la seule qui plane. Des signes avant-coureurs nous gardent en alerte: avertisseurs sonores de ceinture de sécurité, sonneries de téléphones portables. Le danger semble pouvoir surgir de partout, dans ce climat anxiogène où les fausses pistes se multiplient. Hormis ces quelques choix stylistiques plus appuyés qui installent une ambiance angoissante, le cinéaste mise généralement sur une mise en scène naturaliste où la précision du scénario suffit d’elle-même et laisse la place au fin travail des comédiens.
Legrand mène son premier long-métrage d’une main de maître: on ressent la confiance absolue qu’il a pour son intrigue et ses acteurs. Dépouillé, sans superflu ou d’artifices, Jusqu’à la garde va droit au but: ses silences sont tout aussi éloquents que ses dialogues.
La scène d’ouverture s’avèrera donc profondément tragique, car tout s’y jouait. C’était le moment décisif qui allait déterminer à lui seul le tournant que prendrait le destin de la famille Besson. Il était déjà trop tard.
Réalisation
Xavier Legrand
Genre : Drame – Origine : France – Année : 2016 – Durée : 1 h 34 – Dist. : A-Z Films.
Horaires & info.
@ Cinéma Beaubien – Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Accès autorisé si accompagnés d’un adulte)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Mauvais. ½ [Entre-deux-cotes]
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