24 mai 2018
Inédite dans la cinématographie québécoise, l’approche documentaire de Jean-François Lesage a le tour de surprendre. Contemplatives, ses propositions séduisent par leur façon singulière d’envelopper de mystère les multiples facettes de ce que nous sommes, pour mieux dévoiler ce qui nous définit. De ce fait, Lesage participe pleinement à l’édification de la mémoire collective en enregistrant pour la postérité quelques identifiants fugaces d’un « qui sommes-nous » québécois. Puisant dans les préoccupations légitimes de ses semblables, et s’amusant même de leurs discours anodins, Lesage dresse des portraits étonnants, variés, sincères et hautement réflexifs. Laissant trainer ses oreilles ici et là, le spectateur qui a choisi de s’immiscer dans l’ambiance du lieu pourra capter des conversations profondes et délicates, aussi éphémères qu’essentielles.
Répondant avec brio à ses deux précédents opus urbains, le cinéaste atteint la quintessence de sa démarche. Il s’éloigne des appartements encombrés d’un quartier en ébullition (Contes du Mile-End, 2013), repousse les limites du Mont-Royal (Un amour d’été, 2016 – lire notre critique) et nous transporte cette fois en Gaspésie, auprès d’un puissant cours d’eau méconnu des cartographes. Au bord, presque dans la marge, des gens de passage se dévoilent à la caméra. Plus marquant que dans les deux films précités, cet endroit sauvage et imprévisible revêt un rôle de révélateur. Il imprime même sur le déroulement du récit une trace indélébile. Grâce à lui, Lesage créé un parallèle surprenant entre la découverte de soi et l’exploration d’un milieu naturel encore vierge. Ne cherche-t-on pas au creux du lit de la rivière le fonds de notre âme ? Pour le cinéaste, la réponse est sans doute positive.
Maternité, famille, héritage culturel ou déception sentimentale, les thèmes évoqués sont nombreux et font appel à autant de questionnements entourant notre identité et notre relation à autrui. On retrouve dans cette fable philosophique ce qui caractérisait les deux précédents opus : sa symbiose avec l’environnement et l’introspection qu’il inspire. Au détour de ces discours légers ou profonds, par petites touches impressionnistes, se dessinent alors une connaissance, un ami, une sorte d’univers qui nous est propre et qui se rapproche au plus près de l’universel. Avec La rivière cachée, le triptyque se referme sur un monde qu’on ne se lasse pas de découvrir.
Genre : Documentaire
Origine : Québec [Canada]
Année : 2017
Durée : 1 h 15
Dist. : Les Films du 3 mars
Horaires & info.
@ Cinémathèque québécoise
Classement
E/C
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MISE AUX POINTS
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★★ Moyen. ★ Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]
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