7 juin 2018
De la cinéaste israélienne Danæ Elon, on se souviendra de son très persuasif P.S. Jerusalem, posant un regard critique et en même temps salutaire sur le différent israélo-palestinien. Jérusalem, ville éternelle des trois confessions monothéistes et pourtant source de mille et une tractations politiques ne menant, jusqu’ici, nulle part.
Et cette fois-ci, un nouvel acteur, l’Église orthodoxe grecque, impliquée dans une affaire de marchandage, de corruption, d’intérêts, de trahison et de complicité avec le gouvernement israélien pour qui la cinéaste est sans doute la brebis galeuse, comme l’ont été et continuent de l’être des réalisateurs come Avi Mograbi et Amos Gitaï. Verra-t-on un jour un cinéaste palestinien ou d’un pays arabe signer un film critiquant le mouvement Hamas qui, lui aussi, est une des sources de la discorde ? Sûrement pas.
L’originalité de la démarche de Danæ Elon est sans aucun doute liée à la présence de la principale intéressée dans ce documentaire-enquête passionnant qui pose les vraies questions, interroge dans la mesure du possible les bonnes personnes. Certaines répondent affablement, d’autres à la dérobée, ne voulant pas trop se mouiller.
Car Israël est, malgré la liberté de tourner, une sorte de poudrière à double sens où les limites existent malgré les apparences. Rien n’échappe à la pensée parfois inquisitrice d’Elon. Et au contrairement à deux nombreux réfractaires de l’État d’Israël, elle ne rejette nullement son existence, mais sous un jour égalitaire ouvert à la création d’un État palestinien. C’est justement sa vision politique qui frappe, contrairement à certains mouvements de gauche extrêmes qui prônent souvent un dialogue de sourds.
Par le biais d’une investigation qui parfois semble impartiale, c’est aussi le procès des concessions d’échanges malhonnêtes entre l’État occupant et l’Église en question qui nourrit ce document À l’heure où certains pays ont transféré leur ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, La chambre du patriarche est un film essentiel, stimulant, poussant à une réflexion qui oblige le spectateur à ne pas renoncer à la vision politique des choses. Avec la bénédiction de l’État hébreu, l’Église grecque possède une grande partie des terres de la ville. Jerusalem… ville internationale !? Énorme question par les temps qui courent. Et vers la fin du film, lorsque la cinéaste atteint son but, celui de voir en personne le patriarche Irineos, la véritable victime de cette histoire de trahison, la charge d’émotion est telle que le documentaire revendique l’affection, sentiment traditionnellement réservé à la fiction.
En fin de compte, La chambre du patriarche n’est pas seulement un film sur l’Église orthodoxe de Jérusalem, mais sur une ville (voire même, pays) en éternelle ébullition qui, malheureusement, n’a pas trouvé sa véritable voie. Vibrant, sans compromis.
Sortie
vendredi 8 juin 2018
V.o.
multilingue ; s.-t.f.
Heder ha-patriarch
Tin aithousa tou patriarchi
The Patriarch’s Room
Réalisation
Danae Elon
Genre
Documentaire
Origine
Canada / Israël / Grèce
Année
2016
Durée
1 h 25
Distributeur
Filmoption International
Horaires & info.
@ Cinémathèque québécoise
Classement
E/C
(En attente)
MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais.
½ [Entre-deux-cotes]
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