28 juin 2018
Avec, à la barre, Stefano Sollima, fils du cinéaste-culte italien Sergio du même nom, et ayant signé un premier long métrage musclé, Suburra (2015), sans compter la mise en scène de nombreuses téléséries d’action, il fallait s’attendre au plus réussi, voir même foudroyant.
Pari plus qu’atteint puisque ce deuxième épisode est plus réussi que celui de Denis Villeneuve, pourtant très bon, délaissant l’action (pourtant, ici, très présente) au profit d’une création d’ambiances étonnantes, rendant le cadre de fond en comble cinématographique et à-propos, politique mondiale migratoire oblige.
Effectivement, Sicario: Day of the Soldado abandonne certains clichés du genre, s’empare de ce qui paraît bien en termes de narration et a l’air de s’en ficher totalement de la censure. Sicario ou en français « tueur à gages », surplombé d’un sous-titre pour signifier sa double nouvelle identité. On ne dit pas plus. Le spectateur est assez intelligent pour comprendre. Sommes-nous revenus (bien heureusement) au temps des Charles Bronson de ce monde (Death Wish et ces films italiens à la Valachi Papers) où la violence servait d’élément esthétique à un cinéma en plein questionnement affichable. Dans le cas de Sollima fils, très certainement. Du moins, c’est de sa part, une brillante proposition.
Car derrière ces sports de combat que manifestes les anti-héros de ce thriller/suspense, une âme sensible, une volonté de normaliser, le plus souvent vainement, un monde corrompu jusqu’aux os. Est-ce un hasard si le film sort au moment où les États-Unis sont à l’heure zéro politique, sociale et avant tout morale. Les migrants, c’est de cela qu’il s’agit. Ont-ils tort, ont-ils raison? Les différents médias prêchent pour leur paroisses (leurs idéologies), faisant du simple citoyen un objet de convoitise pour tel ou tel parti.
Le système œil pour œil, dent pour dent, contraire aux principes chrétiens, semble fonctionner dans certains cas, dans un terrain mondial miné qui n’a plus de valeurs. Nous sommes tous des assassins et en liberté provisoire, semble dire un Sollima tout à fait conscient de son époque, montrant des personnages hors du temps, réinventant inconsciemment le quotidien. Et Alejandro, parfait Benicio Del Toro, en est la preuve vivante.
Les cartels règnent dans leurs pays. La morale n’existe plus. Les bonnes consciences doivent réajuster leurs visions du monde et de la vie. Le film de Stefano Sollima, c’est parfois invraisemblable parce que c’est du cinéma, éthiquement discutable parce nous devons nous poser des questions et que notre cerveau conserve encore quelques degrés de décence. Mais en fin de compte il s’agit là d’un film qui, tout en utilisant les codes du genre qu’il semble repousser, présente des protagonistes, prisonniers d’un univers clos qui les dépasse et ne peuvent agir autrement. Lorsque Matt Graver (excellent Josh Brolin dans sa démarche caricaturale) clame tout haut « I’m gonna have to get dirty », c’est bien de cela qu’il s’agit. Telle semble être le crédo. Et finalement, la musique puissamment inquiétante qui remue immuablement nos sens de la violoncelliste Hildur Guðnadóttir. Elle résonne comme un requiem obsédant à la mémoire du compositeur Johann Johannsson, à qui le film rend hommage.
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Sortie
Vendredi 29 juin 2018
Version(s)
anglais, espagnol; s.-t.a.
El día del soldado
Version française
Sicario : Le jour du soldat
Réalisation
Stefano Sollima
Genre
Action
Origine
États-Unis / Espagne
Année
2018
Durée
2 h 02
Distributeur
Columbia Pictures
Horaires & info.
@ Cineplex
Classement
Interdit aux moins de 13 ans
(Violence)
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul / ½ [Entre-deux-cotes]
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