1er août 2018
Et nous sommes d’accord avec lui. Car depuis plusieurs années, Fantasia présente les films de genre du cinéaste québécois Yves Simoneau : Les yeux rouges, Pouvoir intime et Dans le ventre du dragon. Ceux-ci avaient marqué leurs époques tant pour l’audace de leurs sujets que pour le calibre relevé de leurs réalisations. Longtemps disparus de la circulation, ces films ont été restaurés par l’organisme Éléphant voué à la préservation du patrimoine cinématographique québécois.
Maintenant, un quatrième film de Simoneau a été restauré ; celui-ci prend la forme d’une docu-fiction au style bien particulier : Pourquoi l’étrange Monsieur Zolock s’intéressait-il tant à la bande dessinée? Le film a été présenté dans le cadre du festival Fantasia à la plus prestigieuse salle de cinéma de Montréal : l’Impérial où d’ailleurs, Fantasia a connu ses premières années entre 1996 et 2001. Simoneau était à l’événement ainsi que les quatre bédéistes québécois présents dans le film : Réal Godbout, Pierre Fournier, Garnotte et Serge Gaboury. Pour l’occasion, Simoneau est devenu le troisième récipiendaire du trophée Denis Héroux visant à saluer le travail de personnalités du cinéma québécois.
Dans la partie fiction du film, le détective Dieudonné a été envoyé enquêter sur la bande dessinée par un mystérieux et inquiétant personnage, Monsieur Zolock. Il vient maintenant rapporter le résultat de ses recherches.
À travers une série d’interviews avec deux douzaines de sommités de la bande dessinée tant franco-belge que québécoise, la partie documentaire de Monsieur Zolock dresse un panorama aussi éclectique que fascinant sur le médium de la bande dessinée au début des années 80. Les propos des artistes interviewés sont illustrés par des extraits de leurs œuvres présentés de manière particulièrement dynamique à la fois par une caméra qui se balade d’une case à l’autre, et par une bande de son riche en bruitages évocateurs. Bien que les artistes s’adressant aux jeunes comme Greg, Morris, Peyo et Franklin soient parmi les interviewés, le film s’intéresse davantage aux artistes destinés aux adultes tels Tardi, Bretécher et Moebius.
La partie documentaire du film est présentée dans le cadre d’une fiction très bédéesque en style centré sur la figure de Zolock, savant fou sinistre à mi-chemin entre Zorglub et L’ombre jaune. Cela permet à Yves Simoneau d’injecter au film certains éléments à la fois surréalistes et loufoques qui sont des plus appropriés vu le sujet traité et de commenter les propos rapportés par les artistes interviewés.
Zolock est interprété avec beaucoup de présence par le regretté Jean Louis Millette une des grandes figures du théâtre et de la télévision (et du cinéma) québécois. Tant sa voix que sa silhouette (pour, entre autres, son rôle du clown Paillasson, et son doublage du Commandant Cobra) auront marqué l’enfance de deux à trois générations de Québécois. Dix-huit ans après sa disparition, le revoir jouer un de ces personnages à la fois mystérieux, sinistre et farfelu dont il avait le secret est assez émouvant.
Si trente-cinq ans après sa réalisation, la partie fiction de Zolock a plutôt vieilli (tout en demeurant amusante), celle documentaire demeure un témoignage captivant sur la BD avec tout ces auteurs qui discutent des nombreuses facettes de leur art. Il constitue un document d’autant plus précieux qu’une bonne partie des artistes, tout comme Jean Louis Millette, ont depuis disparu (Greg, Morris, Franklin, Peyo, Moebius, Fred…). Pour cette raison Zolock constitue un film essentiel pour tous les admirateurs du médium de la BD.
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MISE AUX POINTS
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. ★ Mauvais. 0 Nul
½ [Entre-deux-cotes]
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