23 avril 2010
— Élie Castiel | Rédacteur en chef
Les images en mouvement sur la catastrophe haïtienne ont été véhiculées au petit écran uniquement. Fort heureusement d’ailleurs. Si nous prenons partie d’en parler malgrè le fait que nous soyions une revue de cinéma, c’est d’autant plus choquant que ces images de la douleur, du désespoir, de la souffrance et de la peur s’entremêlent quotidiennement à celles de l’espoir et de la perennité de la position philosophique qu’est l’humanisme.
Cette lame à double tranchant est transmise, jusqu’ici, quotidiennement, dans la vaste majorité des réseaux de télévision partout dans le monde, mais c’est sans contredit la chaîne CNN qui prédomine. Depuis le début de la crise, celle qui s’affiche comme « the best name in News » a pratiquement envahi l’île, avec des buts, certes humanitaires, mais qui dépassent l’entendement.
Dans une revue de cinéma, une des missions est de disséquer le pouvoir des images en mouvement. Si dans ce cas, elles proviennent du petit écran, soit. C’est dans le discours qu’elles véhiculent qu’elles nous intéressent. Chose bizarre, le docteur Sanjay Gupta et l’animateur-vedette Anderson Cooper sont devenus des stars dans la couverture de cet événenment.
Si les reportages filmés choisissent admirablement bien leurs cibles, force est de souligner que les deux vedettes de la chaîne se partagent la même disposition dans leur art d’interprétation. Leurs mouvements du corps, leurs gestes, l’expression de leur visage, tout concorde pour servir au spectateur ce mélange de prise de conscience et de fascination.
Car la couverture du tremblement de terre en Haïti est aussi pour CNN un spectacle (musique dramatique à l’appui et titre au générique impressionnant). Si on se plaît à comparer avec d’autres chaînes comme TV5 International, EuroNews ou bien encore BBC World News, ces dernières réduisent (et à juste titre) leurs reportages à un niveau télévisuel. Tout est clair, soigné, libre de tout excès, en accord avec des principes et des codes propres à la télévision.
CNN a indubitablement recours à la mise en scène. Le petit écran devient lieu de culte, objet de tous les regards. Les animateurs font des prouesses, se rapprochent des victimes, cultivent le sens de l’intervention ou de l’ingérence. Nous ne voyons plus cette triste aventure haïtienne comme un reportage télévisée qui devrait susciter notre attention et notre affliction, mais comme un film purement de fiction.
Comme quoi, autant que le cinéma (et sans doute bien plus), l’écran cathodique parvient à influencer nos vies et à remettre en question notre regard. Quant à Haïti… tout est à reconstruire à partir de rien.
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