En couverture

Une séparation

14 septembre 2011

LE DÉSESPOIR DISCRET DE LA BOURGEOISIE

Récipiendaire de trois Ours à Berlin en 2011, dont l’Ours d’or, Une séparation passe la société iranienne au microscope, y portant un regard dénué de jugement, mais non de lucidité. Voyage au pays d’un antimanichéisme au parfum de grenade.

>>  Anne-Christine Loranger

Un chef des Premières Nations disait que, pour bien comprendre un individu, il faut être capable de marcher quinze minutes dans ses mocassins. L’art de Farhadi réside en ce qu’il fait passer le spectateur d’une paire de babouches à l’autre, lui fait imaginer les non-dits et le force à concocter lui-même son propre cinéma intérieur, ses propres solutions aux dilemmes moraux proposés. La fluidité de son scénario véritablement découpé au laser permet d’explorer en souplesse les ramifications des conflits intérieurs que vivent les uns et les autres et les justifications morales qu’ils se donnent.

Criant de vérité, le jeu des comédiens évolue au sein d’une tornade de mots qui n’empêchent pas le spectateur de deviner les tourments secrets qui les habitent. Farhadi n’est, en effet, tendre pour aucun de ses personnages. Tous, même la petite Termeh de 13 ans, auront à choisir. Papa ou maman ? Rester ou partir ? Mentir ou avouer ? Si la bourgeoisie iranienne a le désespoir plus discret que les pauvres, ses dilemmes n’en sont pas moins éprouvants. Obligé de mentir sous le regard de sa fille, déchiré entre la prison et ses responsabilités familiales, Nader nous fait sentir toute la pesanteur du fardeau qui repose sur ses épaules et son angoisse de ne pas respecter les valeurs qu’il tente d’inculquer. Il en est de même pour la petite Termeh, forcée de choisir entre la vérité qui pourrait condamner son père et le mensonge contraire aux préceptes qu’il lui enseigne.

Texte complet : Séquences (nº 274, pp. 38-39)

JODAEIYE NADER AZ SIMIN | Iran 2011 — Durée : 123 minutes — Réal. : Asghar Farhadi — Scén. : Asghar Farhadi — Images : Mahmoud Kalari – Mont. : Hayedeh Safiyari — Mus. : Sattar Oraki– Son : Mahmoud Samakbashi — Dir. art. : Keyvan Moghaddam — Cost. : Keyvan Moghaddam — Prod. : Asghar Farhadi, Negar Eskandarfar — Int. : Leila Hatami (Simin), Peyman Moadi (Nader), Shahab Hosseini (Hadjat), Sareh Bayat (Razieh), Sarina Farhadi, Babak Karimi, Ali-Asghar Shahbazi, Shirin Yazdanbakhsh, Kimia Hosseini, Merila Zarei — Dist. : Métropole.

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