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Jafar Panahi

21 octobre 2011

Iran… ma douleur

>> Élie Castiel

Dans notre billet du 25 février, nous faisions état de notre indignation en rapport avec l’incarcération de Jafar Panahi. Aujourd’hui, des mois plus tard, la saga judiciaire continue. La cour d’appel iranienne vient de confirmer la sentence du cinéaste : 6 ans de prison et 20 ans d’interdiction de tourner des films. C’est clair, cela signifie tout simplement que Panahi met fin à sa carrière, laissant derrière lui une œuvre majestueuse, personnelle tout en étant universelle, faite de films phares, véritables métaphores d’une société qui, bien que libérée du joug d’avant la révolution islamique, a engendré d’autres politiques défaillantes, ne laissant pas ses créateurs proposer  des initiatives de renouveau.

Tant et aussi longtemps que le religieux fera partie intégrante de l’étatique, quel que soit le pays en question, la démocratie, la liberté d’expression, le droit à la parole et au libre arbitre  ne pourront résister. Car dans toute société essentiellement congréganiste, la possibilité d’une tribune libre est réprimandée, mise à l’écart, vue comme le diable en personne. Dans le cas de Panahi, c’est la victoire de l’obscurantisme sur la clarté, l’immobilité sur la force du changement, la censure sur la tolérance et l’exaltation.

Reconnu coupable de propagande contre le régime iranien il y a quelques mois, Panahi est cette fois-ci encore jugé responsable d’avoir envisager de préparer un film sur les évènements postélectoriaux dans son pays, chose qu’il dément. La nouvelle sentence qu’on lui fait subir est une attaque contre non seulement le métier de cinéaste, mais aussi contre tout créateur, quelle que soit sa discipline. Par la même occasion, cet arrêté nous pousse à réfléchir sur la mission même du cinéma. Aujourd’hui plus que jamais, ce médium ne peut se détacher du politique, il ne peut plus faire semblant de ne pas voir ou savoir.

Ce que Jafar Panahi et ses collègues-compatriotes comme Mahnaz Mohammedi, Mojtaba Mirtahmasb, Hadi Afarideh (apparemment libéré, mais pour combien de temps), Shahnam Bazdar, Mehrdad Zahedian ou Katayoune Shahadi subissent en ce moment nous rappelle que ne devons profiter des libertés que nous avons dans nos pays occidentaux pour relancer les débats, défendre ardemment la liberté d’expression, et plus que jamais, par nos écrits et par nos voix, rappeler à la société que la démocratie est un privilège à la fois puissant et fragile.  C’est d’autant plus évident dans Ceci n’est pas un film, son tout dernier film. Aujourd’hui… c’est eux. Demain à qui le tour? C’est aussi pour tout cela que nous demandons aux autorités iraniennes de saisir l’occasion de se racheter.

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