5 novembre 2011
Nous avons choisi intentionnellement le titre de notre critique en fonction de son double sens. D’une part, il met en exergue le pari du réalisateur : rendre le plus cinématographiquement possible une pièce du répertoire théâtral contemporain; de l’autre, il reflète le secret bien gardé du personnage principal, énigme qu’on ne vous dévoilera pas. Dans les deux cas, deux regards, deux points de vue qui, par un tour de magie, s’unissent pour produire un film d’une grande beauté narrative et visuelle. Dans ce long processus de création, la rencontre tumultueuse de deux mondes que le pouvoir de la parole finit par unir et apaiser.
>> Élie Castiel
Bashir Lazhar, un Algérien illégal dans la cinquantaine, apprend la tragédie survenue à l’école dans le journal. Il décide alors de se présenter à l’établissement scolaire pour offrir ses services à titre de remplaçant de la défunte. Il sera embauché, mais c’est dans un endroit en situation de crise que Lazhar va devoir enseigner. À sa façon, puisque dès le premier jour, il impose une dictée aux élèves (non initiés) tirée d’un texte d’Honoré de Balzac. Comment s’ajuster aux méthodes d’un enseignant venu d’ailleurs?
Le scénario de Philippe Falardeau abonde d’idées intéressantes : le pourquoi du suicide, la responsabilité des enseignants face aux élèves, celle des parents face à leurs enfants, celles aussi émanant des cadres administratifs face au métier qu’ils pratiquent. De ces propositions surgissent des thèmes aussi actuels que la responsabilité civile, le système d’éducation, le partage, le suicide, la multiplicité des images dans le monde d’aujourd’hui. À l’intérieur de cet amalgame de propositions, de comportements et de situations, les élèves et les enseignants subissent un processus de guérison long et impitoyable au cours duquel certains des protagonistes devront faire des choix. Falardeau présente ce rituel social insulaire comme une sorte d’exorcisme servant à vaincre le silence, l’apathie et, malgré les apparences, ouvrant grandes les portes à une possible renaissance de l’âme et de l’esprit.
Texte complet : Séquences (nº 275, pp. 44-45)
Canada [Québec] 2011 – Durée : 94 minutes – Réal. : Philippe Falardeau – Scén. : Philippe Falardeau, d’après la pièce d’Evelyne de la Chenelière, Bashir Lazhar – Images : Ronalde Plante – Mont. : Stéphane Lafleur – Mus. : Martin Léon – Son : Pierre Bertrand, Mathieu Beaudin, Sylvain Bellemare, Bernard Gariépy Strobl – Dir. art. : Emmanuel Fréchette – Cost. : Francesca Chamberland – Int. : Fellag (Bachir Lazhar), Sophie Nélisse (Alice), Émilien Néron (Simon), Danielle Proulx (Madame Vaillancourt), Brigitte Poupart (Claire), Louis Champagne (le concierge), Jules Philip (Gaston), Francine Ruel (Madame Dumas), Sophie Sanscartier (Audrée), Seddik Benslimane (Abdelmalek), Marie-Ève Beauregard, Louis-David Leblanc, Vincent Millard, André Robitaille – Prod. : Luc Déry, Kim McGraw – Dist. : Séville (Les Films Christal).
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