17 mars 2012
>> Luc Chaput
Depuis 30 ans, René Rozon et son équipe du FIFA ont fait de Montréal un rendez-vous majeur sur le plan international dans la diffusion du film sur l’art (lire à ce sujet l’entrevue dans le nº 277 de la revue, p.12-13). Tentant de couvrir tous les secteurs de l’art y compris certains plus pointus qui peuvent ne pas être considérés comme des pratiques artistiques par certains, le festival présente donc comme à chaque année un très large éventail d’œuvres dont voici quelques coups de cœur.
Le film d’ouverture The Mill and the Cross de Lech Majewski est une reconstitution du travail de Peter Brueghel l’ancien pour le Portement de la croix en plaçant le spectateur dans l’époque tourmentée de sa création. Certains personnages, spécialement les soldats à tuniques rouges, prennent alors une signification grandissante dans l’établissement du lien entre œuvre et contexte. L’interprétation d’Hauer, York et Rampling pâlit quelque peu devant la pléthore de moyens anciens et nouveaux employés par le réalisateur pour nous faire entrer littéralement dans cette œuvre magistrale.
Ai Weiwei: Without Fear or Favour
Ce portrait empathique par le réalisateur Matthew Springford et l’animateur Alan Yentrob de cet artiste multidisciplinaire et touche-à-tout chinois qui participa à la contestation du régime, qui connut ensuite avec les Jeux Olympiques un rapprochement avec ce régime et qui permit la relance du travail artisanal dans une région de son pays en présentant une installation au Tate Modern de 100 millions de graines de tournesol en porcelaine toutes peintes à la main dont le symbolisme dans le temps et le lieu nous est démontré avec précision.
Ambassadeurs d’Holbein — Rendez-vous avec la mort
Le cinéaste français Erwan Bomstein-Erb décortique de diverses manières ces Ambassadeurs de Hans Holbein le Jeune, expliquant la place de l’anamorphose de la tête de mort mais aussi l’importance des divers instruments et des cartes qui forment le décor accompagnant ces deux personnages qui regardent directement le spectateur. Une musique de fond un peu trop insistante gâche le plaisir de ce cours d’histoire de l’art aux ramifications politiques.
Les cathédrales dévoilées
Gary Glassman avait déjà pour Nova à la télé américaine de PBS réalisé un documentaire sur les cathédrales gothiques et leurs secrets. Les cathédrales dévoilées, coréalisé avec Christine Le Goff, est une version plus complète et joyeusement instructive sur les allers-retours entre interrogations et réponses que s’échangent des chercheurs en employant les techniques les plus modernes pour ausculter ces chefs d’œuvre du Moyen-âge qui continuent encore à nous interpeller.
Version Vera
Du travail de Vera Moukhina, grande sculpteure soviétique, le cinéphile reconnaîtra peut-être le monument qui est le sigle de Mosfilm. Cet Ouvrier et la kolkhozienne par sa grandeur et sa force symbolise donc l’idéologie soviétique et la réalisatrice lettone Ilona Bruver, dans un très beau noir et blanc, intègre magistralement scènes avec acteurs et archives avec en narration lettres et journaux intimes pour nous tracer un portrait intime de cette femme aux prises avec l’Histoire et sa place dans le réalisme socialiste.
Voilà donc quelques-uns de ces films qui constituent comme à chaque année depuis 30 ans une invitation au voyage dans l’art sous toutes formes. Le festival a lieu à la Cinémathèque, au Musée des beaux-arts, au Centre canadien d’architecture et dans plusieurs autres salles. Jusqu’au 25 mars 2012.
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