24 mars 2012
>> Élie Castiel
Tout d’abord, le y de Stravinsky remplacé par un i. Comme si cette Soirée Stravinski n’était en fin de compte qu’une façon de rendre l’œuvre du grand compositeur encore plus universelle, mais aussi et surtout une manière de souligner l’importance de ce rendez-vous intime proposée par Les Grands Ballets Canadiens. Ce qui émane de ces moments d’une grande émotion, c’est la symbiose entre les différents morceaux musicaux et la dynamique des corps : chez Stijn Celis, la simplicité des mouvements les rend encore plus subliminaux. Le côté viscéral des différentes partitions musicales épousent à merveille ces corps chorégraphiques, leur attribuant un côté aérien d’une grande majesté.
Comme amuse-gueule, Anima, petit interlude d’une beauté singulièrement fragile et sensuellement glaciale. Le décor minimaliste ne fait qu’accentuer l’horizontalité des lignes. Trois danseurs, deux hommes et une femme performent un chant d’amour à l’éternel féminin. Le Nocturne 13 de Chopin inaugure cet adage à trois dans la sérénité. Quelques fragments de silences dansés assurent ensuite une transition vers la Sonate K 87 en B mineur de Scarlatti, fougueuse, là où tout devient clair et l’âme se révèle.
Avec Le Sacre du printemps, nous sommes face à la collectivité, au rassemblement, au mélange des corps et des esprits. La musique, hautement cinématographique, sensorielle et fougueuse, permet au chorégraphe de la rendre scénique, sollicitant de la part des danseurs un effort subtilement réussi. Entre l’amour et l’abandon, entre l’ombre et la clarté, entre le masculin et le féminin, ces corps s’enlacent et se déchirent, se perdent et se retrouvent pour finalement redonner à la nature le soin de reformuler symboliquement ses propres élucidations.
Et pour clore la soirée, Noces, hymne à la vie, à la fête, aux corps, à la sensualité des gestes, mais avant tout une façon comme un autre de réinventer le cycle des sentiments, comme la joie, la tristesse, la peur devant la mort, la crainte de l’inconnu. Il ne reste donc plus que les agapes, la célébration, une dynamique sociale qu’on s’invente pour apprivoiser l’incontournable finitude. Avec Noces, on assiste à une remarquable peinture chorégraphique sur les pulsions humaines, énergiquement survoltées par la puissance musicale d’un Stravinsky proche, cette fois-ci, des forces d’évocation de l’opéra.
ANIMA — LE SACRE DU PRINTEMPS — NOCES | Durée : Environ 1 h 50, incluant 1 entracte | Chor. : Stijn Celis | Dir. art. : Gradimir Pankov – Mus. : Frédéric Chopin et Domenico Scarletti pour Anima, Igor Stravinsky pour Noces et Le Sacre du printemps – Déc. : Stijn Celis, Gradimir Pankov (pour Noces seulement) – Cost. : Stijn Celis pour Anima, Catherine Voeffray, pour Noces et Le Sacre du printemps – Danseurs : Solistes, Corps de ballet et Apprentis des Grands Ballets Canadiens | Prochaines représentations : 24 – 29 – 30 et 31 mars à 20 h – Théâtre Maisonneuve / Place des Arts.
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