25 avril 2012
>> Luc Chaput
À l’occasion de son 50e anniversaire à Montréal, l’Institut Goethe déménage ses pénates cet été de la rue Sherbrooke à un nouveau lieu dans le quartier des spectacles. La diffusion de la langue et de la culture allemandes est depuis longtemps entre autres passée par le cinéma allemand aidée en cela par le succès des Fassbinder, Herzog, Kluge, Schlöndorff, Schroeter — quand aura lieu une rétro complète de ce réalisateur mort en 2010? — et Wenders. Au printemps revient, au Goethe de Montréal depuis 20 ans, la série «Découvertes allemandes» qui nous a permis ainsi de voir chaque année de nouveaux cinéastes.
La programmation de cette année rajoute donc aux nouveautés des reprises de cinéastes confirmés. Ainsi Fatih Akin, dans son œuvre autobiographique Solino, établit déjà le thème de la cuisine comme lieu de rencontre interculturelle qui est la base de son dernier long métrage Soul Kitchen. Tom Tykwer dans Le Rêveur montre déjà ses grandes qualités de metteur en scène de séquences époustouflantes dans cette histoire sur la place du hasard dans la construction d’un destin.
Le jury de Berlin 2006 a décerné avec raison l’Ours d’argent de la meilleure actrice à Sandra Hüller pour Requiem d’Hans-Christian Schmid, pénétrante analyse sur les liens entre famille, religion et médecine et ses conséquences tragiques sur la vie d’une jeune femme. Mme Hüller est un peu moins bonne dans Above Us Only Sky de Jan Schomburg dans le rôle d’une femme obligée de refaire sa vie après le suicide inexpliqué de son mari. Le scénario de Schomburg semble inviter à des rapprochements avec l’affaire Jean-Claude Romand qu’il ne développe pas, préférant jouer dans les platebandes de Freud et de la phrase d’Hegel sur l’histoire qui se répète.
En français, Dreileben « trois vies »; c;est aussi le nom de la ville en Thuringe (qui pourrait être Suhl) où se passe la trilogie de longs métrages concoctés par les jeunes réalisateurs Christian Petzold, Dominik Graf et Christoph Hochhäusler mélangeant histoire d’amour, enquête policière, rappels douloureux et coïncidences fortuites dans cette région de l’ex-RDA aux sombres forêts où certains touristes cherchent encore le lieu mythique de la sépulture de Frédéric Barberousse. Certains personnages secondaires sont plus intéressants que la trame principale et pourraient faire l’objet de suites possibles mais l’ensemble, malgré de plus grands moyens, garde un côté téléfilm finalement décevant.
Chris Kraus dans Poll, s’inspirant de sa grand-tante Oda Schaeffer, trace un portrait complexe d’une adolescente de retour dans une famille qu’elle comprend moins après une longue absence et un deuil récent. Ce milieu allemand dans l’empire russe sur les bords de la Baltique est un microcosme qui survit tant bien que mal dans les lubies scientifiques de son pater familias. La mise en scène de Kraus, aidée par la très bonne prestation de la jeune Paula Beer, alterne les scènes intimistes sur le bonheur de vivre de la noblesse plus ou moins désargentée aux intrusions d’un monde qui change et qui sera irrémédiablement transformé dans Coup de Grâce de Schlöndorff, adaptation du roman de Marguerite Yourcenar auquel ce film a des ressemblances harmoniques. Voilà quelques-unes de ces œuvres que cet important institut culturel nous présente ce printemps.
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