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Semaine du 8 au 14 juin 2012

7 juin 2012

LE FILM DE LA SEMAINE …

LE CHEVAL DE TURIN
(The Turin’s Horse / A Torinói ló)

DRAME | Origine : Hongrie / France / Allemagne – Année : 2011 – Durée : 146 minutes – Réal. : Béla Tarr, Ágnes Hranitzsky – Int. : János Derzsi, Erika Bók, Mihály Kormos, Ricsi – Dist. : FunFilm | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du Parc – Excentris

Résumé.
À  la fin de sa carrière, démoralisé, le philosophe Friedrich Nietzsche s’était jeté en pleurant au cou d’un cheval malmené par son cocher. Ça s’est passé à Turin le 3 janvier 1889. Le film explore les destinées du cocher, de sa fille et du cheval en question.

En quelques mots
★★★
1/2
Appartenant à un genre inclassable, Le Cheval de Turin est avant tout un film sur la puissance de l’image qu’aucun mot, qu’aucune parole ne peut entraver, sur la morale éthique du plan aussi, sur le parti pris esthétique, sans conditions, intransigeant, se voulant plus fort que le récit, revendiquant la place qu’il mérite dans la fabrication d’un film. Il y a une musique insistante, grave, désordonnée, enveloppant le mouvement des deux principaux et quasi-uniques personnages, comme dans un rituel funèbre et grandiose. Envoûtant, hypnotisant, surréaliste, intemporel, le nouveau  film de Béla Tarr (et selon ses dires, son dernier) déploie ses plans-séquences avec une virtuosité remarquable. Le temps n’est plus dans la durée, mais dans l’instant, irrémédiable, contrastant, suivant les caprices et les bruits de la nature. Sur ce point, presque tout le film est terriblement bercé par le vent, par le bruit des feuilles qui tombent avec fracas. Et chez l’homme et sa fille, les travaux et les jours et comme exhortation, l’attente. Et puis survient un personnage, alter-ego du cinéaste, qui prononce les paroles du seul vrai dialogue dévoilant une vision apocalyptique du monde. Car en fin de compte, Le Cheval de Turin ressemble à une œuvre-testament, offrande d’un grand réalisateur pour qui le cinéma n’est rien d’autre que la mise en scène de l’incontournable et irréversible finitude. Nous sortons de la projection à la fois désemparés et émus par une telle ampleur visuelle. >> Élie Castiel

AUTRES SORTIES EN SALLE …

COSMOPOLIS
DRAME | Origine : France / Portugal / Canada / Italie – Année : 2012 – Durée : 109 minutes  – Réal. : David Cronenberg – Int. : Robert Pattinson, Jay Baruchel, Sarah Gadon, Paul Giamatti, Juliette Binoche, Mathieu Amalric, Kevin Durand – Dist. : Séville | Horaires / Versions / Classement : AMC – Cineplex Divertissement – Excentris

Résumé
Un jeune magnat de la finance décide de traverser New York en limousine malgré un embouteillage monstre. Son périple se transforme en voyage insolite qui changera à jamais sa destinée.

En quelques mots
★★★ 1/2
Comme dans Videodrome et Spider, huis clos mentaux où les protagonistes schizophrènes évoluaient dans des univers parallèles, Cronenberg construit à nouveau un espace paradoxal en dévoilant l’abattement d’une ville à travers les vitres teintées d’un véhicule de luxe aseptisé, « prousté » (néologisme pour désigner une pièce tapissée de liège comme la chambre de l’écrivain Marcel Proust) que traduit un univers sonore calfeutrant, décalé et l’usage du grand angle (qui met en exergue la solitude des êtres). Symbole de réussite sur quatre roues qui fait écho au fétiche de la voiture dans Crash et Fast Company, la limousine (dont l’intérieur, entre univers futuriste et inspiration eighties, rappelle les décors de Videodrome) agit comme un long corbillard qui amène le wonder boy lascif vers une mort annoncée, comme un espace mental, comme un organisme à part entière au cœur duquel il discute, mange, baise, urine, fait son check-up quotidien. Deux mondes s’entrechoquent et se distordent : celui des surfaces lisses et glacées (verre, fer brossé, écrans tactiles bleutés) et celui du revers, du désordre (ruines, graffitis, murs et meubles décrépis). Le film s’inscrit d’ailleurs lui-même entre ses deux génériques, entre les toiles de Pollock et Rothko, entre l’action painting chaotique du premier et l’atmosphère plus méditative du second, dispositif qui de plus interroge le grand paradoxe de l’art, qui à la fois opère une résistance au système tout en étant assujetti aux puissances de l’argent. Allégorie corrosive d’une cité divisée, fable abyssale et désenchantée sur la fin de notre civilisation, Cosmopolis est aussi un film sur l’amour (grande thématique de la cuvée cannoise 2012) : l’amour du sexe, l’amour de l’argent, sujet inédit chez le cinéaste de la désincarnation de la matière et du devenir-machine du corps humain. >> Mathieu Séguin-Tétreault

FORTUNATE SON
(Le Fils béni)

CHRONIQUE FAMILIALE DOCUMENTAIRE | Origine : Canada [Québec] – Année : 2011 – Durée : 80 minutes  – Réal. : Tony Asimakopoulos – Avec : Tony Asimakopoulos, Aristomenis Asimakopoulos, Natalie Karneff –  Dist. : EyeSteelFilm | Horaires / Versions / Classement : Excentris

Résumé
Un cinéaste dans la trentaine, ancien drogué dépressif, renoue avec ses parents d’origine grecque qu’il n’avait pas vus depuis dix ans. Il leur présente sa fiancée et les accompagne lors d’un voyage en Grèce.

En quelques mots
★★★

D’une certaine façon, Fortunate Son se présente comme un film à la limite de l’introversion, du narcissisme même,  mais empreint d’un besoin viscéralement urgent et habité de témoigner. Comme s’il s’agissait d’une cure psychanalytique permettant de chasser ses démons, un exercice d’autoguérison où il n’existe ni frontière, ni censure. En quelque sorte, tout dire pour survivre. Ce qui commence par un album ouvert sur une famille montréalaise d’origine grecque se transforme en une quête de soi. Fils unique, le réalisateur se voit confronté à un triple dilemme : sortir de l’univers de la drogue, retourner chez les siens et finalement rejoindre le rang de la normalité en se mariant, vœu de sa famille. Ce qui fait la force du film de Tony Asimakopoulos, c’est avant tout la mise en scène, d’une limpidité palpable, usant de la fiction pour mieux cerner ces portraits intimes, pour les bercer, les situer dans le temps, parfois aussi les manipuler, trop absorbé par son travail de réalisateur. Par moments, le ton monte au cours du tournage, permettant ainsi au processus de création de réclamer ses droits. Et puis, le voyage en Grèce avec ses parents et Natalie, sa future femme. Une façon comme une autre de renouer avec ses racines et les liens avec une famille qu’il avait ignorée pendant une décennie. Et puis encore, la maladie du père, et le mariage en question.  Avec Fortunate Son, nous sommes devant un film qui revendique son droit à la parole et à l’autodétermination. Un voyage intime qui donne l’occasion à Tony Asimakopoulos de placer le cinéma québécois dans le sillon parfois fragile, mais nécessaire, de la parole de l’autre, la voix venue d’ailleurs. Et il le fait avec une franchise déchirante nantie de signes d’espoir. >> Élie Castiel

HIT SO HARD
DOCUMENTAIRE BIOGRAPHIQUE | Origine : États-Unis – Année : 2011 – Durée : 103 minutes  – Réal. : David P. Ebersole – Avec : Patty Schemel, Courtney Love, Eric Erlandson, Melissa Auf Der Maur – Dist. : Variance / Well Go | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du Parc

Résumé
Portrait de Patty Schemel, batteuse dans le groupe de Courtney Love,
Hole : ses rencontres, ses tragédies et son retour à une vie plus sereine.

En quelques mots
SANS COMMENTAIRES.

MADAGASCAR 3: EUROPE’S MOST WANTED
(Madagascar 3 : Bons Baisers d’Europe)

ANIMATION | Origine : États-Unis – Année : 2011 – Durée : 93 minutes  – Réal. : Eric Darnell, Tom McGrath, Conrad Vernon – Voix : Sacha Baron Cohen, Jada Pickett Smith, Chris Rock, David Schwimmer, Ben Stiller – Dist. : Paramount | Horaires / Versions / Classement : AMC – Cineplex Divertissement

Résumé
Alex, le lion, et ses amis s’engagent dans un cirque ambulant afin d’échapper à une capitaine du contrôle des animaux. Ils mettent au point de nouveaux numéros acrobatiques en souhaitant un jour rallier New York
.

En quelques mots
SANS COMMENTAIRES.

POULET AUX PRUNES
CONTE | Origine : France / Allemagne – Année : 2011 – Durée : 91 minutes  – Réal. : Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud – Int. : Mathieu Amalric, Edouard Baer, Eric Caravaca, Maria de Medeiros, Farahani Golshifteh, Chiara Mastroinanni, Jamel Debbouze, Isabelle Rossellini  – Dist. : Alliance | Horaires / Versions / Classement : Cinéma BeaubienCineplex Divertissement

Résumé
Depuis que son violon est brisé, un célèbre musicien ne trouve plus l’inspiration. Déterminé à se laisser mourir lentement dans son lit, il se remémore des moments marquants de sa vie et de celle de sa famille.

En quelques mots
★★
1/2
Après le remarquable Persepolis (prix du jury à Cannes) livré il y a cinq ans, Marjane Satrapi nous revient avec une histoire d’amour persane empreinte de joie, de poésie, de noirceur et même de fatalisme. Ce Poulet aux prunes, adapté de sa bande dessinée homonyme parue en 2004, est un assemblage visuel réussi qui fait référence au style très personnel de Jean-Pierre Jeunet. Sans toutefois avoir la profondeur, la portée ni le décalage du précité, Marjane Satrapi et son comparse Vincent Paronnaud parviennent à rendre palpable l’univers poétique et irréel du Téhéran des années 50. Les aspects techniques parfaitement maîtrisés et le patchwork visuel qui en résulte font de ce film un plat enchanteur, personnifié par une interprétation qui, bien qu’inégale, donne corps à cette histoire d’amour tragique une dimension bien réelle. Toutefois, l’abondance de couleurs et de décors surchargés, la surenchère d’effets visuels et de changements de styles finit par prendre le pas sur l’intrigue. Les saynètes de ce scénario à tiroirs peinent à trouver le liant nécessaire et se rejoignent dans une finale décevante où la totalité du mystère est dévoilée. Régal pour les yeux, mais assez faible en saveurs, Poulet aux prunes souffre d’avoir été trop gourmand. >> Charles-Henri Ramond

PROMETHEUS
SCIENCE-FICTION | Origine : États-Unis – Année : 2011 – Durée : 119 minutes  – Réal. : Ridley Scott– Int. : Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron, Guy Pearce, Idris Elba, Logan Marshall-Green – Dist. : Fox | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du ParcCineplex Divertissement

Résumé
Des découvertes archéologiques démontrent que des extraterrestres sont venus sur Terre d’une planète lointaine. L’équipage d’un vaisseau spatial d’exploration part à leur recherche afin de comprendre les origines de l’humanité.

En quelques mots
★★★
Le réalisateur britannique Ridley Scott effectue un retour très attendu à la science-fiction, 30 ans après Blade Runner et 33 ans après Alien. Il s’emploie avec Prometheus à établir une filiation directe avec les paramètres d’Alien, qui se révèle aussi problématique que bénéfique. Bénéfique car le film développe dans sa première partie une idée aussi fascinante qu’improbable, isue d’un thème très répandu dans le cinéma de science-fiction, soit l’origine extraterrestre de l’humanité. Il laisse présager une œuvre plus que satisfaisante sur le plan intellectuel. Mais l’ambition et l’ampleur du propos sont contaminées par les limites des conventions du genre. Prometheus épouse alors la structure d’Alien dont il devient non pas le prequel mais le remake : recherche de l’origine d’un signe ou d’un signal qui entraîne l’équipage d’un vaisseau spatial sur une exoplanète inconnue dans la première partie (science-fiction), affrontement avec un organisme étranger, malicieux et meurtrier, dans la seconde partie (horreur). Malgré tout, certaines séquences possèdent un souffle épique indéniable, en particulier l’impressionnant atterrissage sur l’exoplanète LV-223 et l’exploration hasardeuse de la structure extraterrestre, deux grands moments de science-fiction pure. La direction artistique est tout aussi remarquable, les décors minutieusement détaillés évoquant à la fois Alien et Aliens. Cependant, Scott commet l’irréparable : l’aura de mystère et la splendeur magistrale du premier film sont trahies par des explications inutiles (ou insuffisamment percutantes) sur l’origine de ce mystère. Trop de prose tue la poésie. >> André Caron

TOMBOY
DRAME DE MŒURS | Origine : France – Année : 2011 – Durée : 82 minutes  – Réal. : Céline Schiamma – Int. : Zoé Héran, Malonn Lévana, Jeanne Disson, Sophie Cattani, Mathieu Demy, Yohan Vero, Noah Vero – Dist. : Métropole | Horaires / Versions / Classement : AMC – Cinéma Beaubien – Excentris

Résumé
Le temps d’un été, une gamine à la silhouette androgyne se fait passer pour un garçon auprès de ses nouveaux amis.

En quelques mots
★★ 1/2
Le hasard a voulu que Tomboy soit arrivé sur nos écrans juste après le très médiatisé Laurence Anyways. Le sujet du travestissement, la jeune réalisatrice Céline Sciamma, ne l’a pas pour autant volé. Film très personnel, en retenue et en concision, loin de l’exaltation formelle d’autres cinémas, Tomboy mélange pré-puberté et travestissement en toute simplicité. La réalisation est sans fioritures. Des plans rapprochés, sur les mains et pieds, par exemple, révèlent leur part d’ambivalence, l’idée d’une identité ouverte. L’absence de musique, excepté pour une scène, accompagne cette disposition à ne pas s’épancher. Le choix pour une maman enceinte vient souligner l’état d’esprit du personnage principal, pris entre l’angoisse de sa propre transformation corporelle et le désir de fuir sa féminité. Quitter l’enfance est un changement qui la trouble. -Le travestissement de Tomboy n’est pas celui chez Xavier Dolan. Tomboy serait plus près d’un Tootsie (1982) de Sidney Pollack ou d’un Yentl (1983) de Barbra Streisand. Même si les célèbres personnages de Dustin Hoffman et de Streisand elle-même, par leurs déguisements, sont loin de cette Laure qui ne change pas ses habitudes vestimentaires, la volonté de tromper est similaire. Il est question d’infiltration d’un système, d’une tentative de le freiner. Ici, le changement de sexe repose sur les apparences. >> Jérôme Delgado

MISE AUX POINTS
★★★★★ Remarquable |  ★★★★ Excellent |  ★★★ Très bon |  ★★ Bon |  Moyen |  Mauvais |  ☆☆ Nul — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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