25 janvier 2013
À tous ceux qui prétendent que les films de Michael Haneke sont ennuyeux, Séquences propose l’expérience qui fut la nôtre pour cet article, celle de revoir son entière filmographie en moins de dix jours. Cogitations, retours sur soi et insomnies garanties. Cauchemars en option.
>> Anne-christine Loranger
Deux Palmes d’Or. On dit cela et on a tout dit. Peu importe les cinquante et quelques prix internationaux qui couronnent l’œuvre de Michael Haneke (il vient d’ailleurs de triompher pour la troisième fois aux European Film Awards), avec ses deux Palmes, le réalisateur autrichien a rejoint le très sélect podium occupé jusqu’ici par Sjöberg, Coppola, August, Kusturica, Imamura et les frères Dardenne. Alors qu’Amour se prépare de toute évidence à prendre la route des Oscars, une analyse de l’œuvre hanekienne nous paraît pertinente.
Tandis que les crédits d’Amour défilent à l’écran, une constatation s’impose : ce film s’insère parfaitement dans la ligne des films de Michael Haneke. L’introduction, d’abord, dépourvue de musique, générique blanc sur fond noir. Les noms des personnages principaux, toujours les mêmes dans ses scénarios, Georges et Anne. La musique, du piano écouté par les personnages. Les lieux, clos, comme souvent. Les couleurs ensuite, variantes de blanc, de gris et de brun. Le sujet, surtout, celui de la violence. Car Michael Haneke n’a jamais scruté autre chose que les multiples formes de violences qui affectent les sociétés contemporaines. À croire qu’il ne fait que présenter depuis vingt ans les différentes facettes du même film. Même film, pardon ? Même film, Amour et Funny Games ? Même film, La Pianiste et Le Ruban blanc ? Même film, Caché et Code inconnu ? Mêmes films, oui. Même approche. Celle d’observer comment la violence s’immisce dans les interstices du quotidien, petit à petit, jusqu’à l’éclatement : un geste soudain, brutal, filmé sans éclat ni mélodie. Contrairement à la violence-objet commerciale institutionnalisée par Hollywood, la violence de Haneke est celle d’une réalité froide et crue, dépourvue de transcendance ou même de passion. L’intérêt de ses films est l’extrême précision avec laquelle elle est scrutée, analysée, décortiquée, pour en extraire l’insoutenable moelle et l’offrir à l’écran, devenu par son art la table d’examen d’un pathologiste virtuel.
Texte complet : Séquences (nº 282, p. 42-43 pour la critique d’Amour et p. 44-45 pour le texte sur Michael Haneke)
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