LE PLAISIR AMPUTÉ

Il incombe aux enfants victimes de violences, de sévices et de mutilations de vivre toute leur existence avec le fardeau des conséquences d’actes barbares perpétrés par des adultes obtus. Cette réflexion surgit inéluctablement à la suite du visionnement du troisième long métrage du jeune cinéaste québécois Martin Laroche [La logique du remords (2007) et Modernaire (2009)]. Les Manèges humains, tourné avec un microbudget subventionné, tente de mettre en perspective les aspects néfastes d’une mutilation génitale féminine (MGF), mieux connue sous le terme « générique » d’excision.

>> Patricia Robin

On recense près de 130 millions de femmes sur la planète ayant subi l’une des trois formes de MGF. Malgré le fait que l’ONU, l’OMS et l’UNICEF organisent des campagnes contre ce traitement infligé aux jeunes filles pré-pubères, aujourd’hui encore, des milliers de fillettes sont soumises à ce rite de passage séculaire qui tient davantage de traditions que de fondements religieux. Bien que l’initiation soit principalement pratiquée par des femmes, il n’en demeure pas moins que la pression vient des hommes qui exigent des épouses pures et vierges (!).

Avec la migration des populations, le sujet inquiète l’Occident car les MGF entraînent des problèmes de santé physique et mentale, voire des décès dus aux complications inhérentes aux blessures imposées, et dont il faut tenir compte dans l’accueil des immigrantes. Le 21^e siècle devrait voir cette tradition s’éteindre, après l’engagement des 110 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie de légiférer contre cette pratique. Après plus de cinquante ans de féminisme, on doit continuer de dénoncer ce comportement.

Par son film, Martin Laroche contribue à lever le voile sur ce sujet et à sensibiliser les gens au phénomène. Il choisit de le traiter par la fiction en empruntant à l’esthétique du documentaire la forme avec laquelle il s’emploie à explorer cet univers féminin singulier.

Texte complet : Séquences (nº 283, p. 32-33)