Entrevues

Martin Laroche

6 mars 2013

« SOPHIE POSSÈDE UNE DOULEUR INTIME … »

Martin Laroche est du genre impatient. Tout juste sorti de l’Université du Québec à Montréal avec un BAC en cinéma en poche, il réalise à l’aide de ses finances personnelles deux longs métrages indépendants, La Logique du remords (2007) et Modernaire (2009). Des œuvres à petit budget d’accord, mais qui lui ont tout de même donné la possibilité de se faire la main. À 31 ans, il nous revient avec Les Manèges humains, une œuvre maîtrisée et poignante en forme de faux documentaire qui s’attarde sur l’expérience tragique d’une jeune femme victime de l’excision. Séquences a rencontré Martin Laroche.

>> Propos recueillis par Ismaël Houdassine

Les Manèges humains est votre troisième long métrage, mais il est votre premier film enfin subventionné. Néanmoins, en traitant de l’excision, vous n’avez pas hésité à aborder un sujet risqué et casse-cou.
Effectivement, avant de réaliser le film, j’avoue avoir eu quelques craintes. La première était la peur d’être jugé. Par exemple, j’avais peur que les gens se disent : pourquoi lui, qui est un homme, décide-t-il de réaliser une œuvre sur l’excision, problématique spécifique aux femmes ? Comme je ne suis pas un imposteur, j’ai décidé d’aborder le sujet avec le plus de délicatesse possible. J’ai entrepris de nombreuses recherches et lu beaucoup d’ouvrages qui abordent l’excision. Je suis même allé rencontrer un gynécologue spécialiste de la question. J’ai énormément appris et je pense que tout cela m’a permis de construire le personnage principal avec le plus d’honnêteté possible.

Ces craintes ont-elles été des freins dans l’élaboration de votre film ?
Je pense au contraire qu’elles ont été nécessaires. Elles ne m’ont pas empêché de travailler, mais la teneur du long métrage méritait que je sois traversé de doutes. Je m’explique : l’excision est en soi un sujet sensible qui reste peu abordé dans le cinéma. À part un film tourné en Afrique dans les années 2000 et Desert Flower de Sherry Hormann, je n’en connais pas d’autres. Je savais que je tenais là un sujet intéressant et original, mais comment l’aborder ? En fait, l’important pour moi, c’était de préserver une perspective québécoise. L’idée que l’histoire puisse se produire partout, et pas seulement dans une région donnée, était primordiale.

Texte complet : Séquences (nº 283, p. 34-35)

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