30 juin 2013
Dernier cru de Wong Kar-wai, The Grandmaster séduit par la splendeur de ses images, déconcerte par le stoïcisme de ses personnages et fascine par la profondeur de son contenu. Une nouvelle œuvre du grand maître de la sensualité visuelle dans laquelle on retrouve les combats épiques de Ashes of Time et les désirs cachés de In the Mood for Love. Sans son trouble… malheureusement.
>> Anne-Christine Loranger
Prises individuellement, chacune des images de The Grandmaster pourrait faire partie d’une exposition de photos. Un minutieux travail d’artiste se révèle plan par plan, tant dans l’équilibre des compositions que dans leurs significations. Aucun effort apparent, cependant. Tout coule, tout va de soi. Qu’une œuvre de deux heures puisse être ainsi filmée représente en soi un phénomène. Le travail du directeur photo Philippe Le Sourd est à cet égard inégalé dans l’histoire du cinéma d’arts martiaux. On voudrait voir les images de The Grandmaster en boucle, juste pour les savourer. Il faudrait cependant y apposer les phrases de sagesse des maîtres de wing chun qui parsèment le film, comme autant de pépites dans une rivière de splendeur. Rivière que les personnages descendent en radeau ou à la nage et où, parfois, ils se noient.
Le projet initial de Wong Kar-wai était de tracer un aperçu du monde secret du kung-fu, à travers le portrait d’un maître dans le Hong Kong des années cinquante. À cette époque, une simple rue pouvait compter d’innombrables écoles dont les partisans s’affrontaient au sein de luttes féroces. Le cinéaste devint cependant si fasciné par l’histoire personnelle d’Ip Man, légendaire professeur de Bruce Lee, qu’il décida de se centrer sur lui. L’histoire se déplaça donc vers le continent chinois à l’Époque républicaine (1911-1949), moment où le kung-fu connut son âge d’or.
L’action retrace le parcours de plusieurs maîtres qui se retrouvèrent dans les années cinquante à Hong Kong, après s’être côtoyés plus tôt au Pavillon d’or de Foshan, au sud de la Chine, un bordel où se rencontraient les pratiquants du kung-fu et où les femmes possédaient un art martial secret. En 1936, le vieux maître Gong Baosen, leader des arts martiaux du nord de la Chine du Nord, débarque au Pavillon d’or pour y célébrer sa retraite et sélectionner son successeur dans le sud. Il a déjà choisi Ma San, son plus proche disciple, comme successeur dans le nord. Gong Er, fille du vieux maître et seule détentrice de ses techniques les plus secrètes, arrive en même temps à Foshan pour assister à l’événement. C’est là qu’elle rencontre Ip Man, qui sera choisi par Maître Gong pour lui succéder. Au même moment, l’occupation japonaise dans le nord provoque une trahison qui secoue le monde du vieux maître et changera à jamais la vie de sa fille.
Texte complet : Séquences (nº 285, p. 36-39, incluant une mini-étude sur Wong Kar-wai)
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