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Othello

22 novembre 2013

« JE NE SUIS PAS QUI JE SUIS… »
>> Élie Castiel
★★

Ces mots complexes de Iago pourraient bien s’appliquer au personnage principal. Néanmoins, c’est avec impatience que nous attendions Othello de Shakespeare, conçu pour le Centre Segal. Le décor de Véronique Bertrand évoque celui des tragédies grecques dans tout ce qu’elles ont de meilleur : minimalistes, sans fioritures, structurées de façon à donner toute la place à la parole et aux comédiens. Car Othello est surtout une pièce sur le pouvoir des mots, sur ses multiples ramifications, sur ses sous-entendus, ses réponses assassines, sa terrible folie, son humanité même.

Mais pour que ces mots résonnent auprès des spectateurs, il faut savoir « jouer le jeu », s’incruster dans la peau des personnages, vivre les rôles. Ce qui déçoit donc dans la mise en scène d’Alison Darcy est l’insuffisante autorité dans la manipulation de l’espace. Les protagonistes courent d’un endroit à l’autre sans arrêt (ou presque). Les quelques combats paraissent faux ; les face-à-face conflictuels sont parfois risibles. Tout cela devient même irritant.

Car ce qui manque à la majorité des comédiens, ici, ce sont ces attributs qu’on appelle âme, passion, vérité, et que les interprètes de cette version d’Othello ne possèdent pas. Il ne faut pas jouer Othello, mais le vivre, l’être ; même chose pour Iago, Desdemona, Bianca et les autres. Nous aurions voulu être dithyrambique envers cet Othello, mais l’objectivité nous pousse à être sévères. Accompagné de Iago (Sean Arbuckle) qui en met trop, de Cassio (Daniel Brochu, définitivement peu inspiré) et du Duke of Venice (Daniel Lillford, absent). Andrew Moodie n’arrive pas à s’accrocher à son personnage d’Othello, sa puissance physique, son marasme psychologique, sa jalouise incontrôlée, ses excès de folie, son amour sans failles.

Et puis, à la mort de Desdemona, de l’eau qui jaillit  du lit nuptial et glisse miraculeusement sur quelques endroits de la scène (la métaphore nous échappe). On sort de cette expérience décu. Il ne reste donc que deux éléments qui donnent un certaine énergie à l’ensemble : le décor, d’une grand originalité due à sa simplicité et la présence de Julie Tamiko Manning dans le rôle d’Emilia, la confidente. Son éloquence, son charisme, sa présence, sa puissance d’élocution, oscillant entre une force de caractère innée et cédant d’un coup aux affres du destin la rendent d’une humanité bouleversante.

Pour le reste, dommage… et dire que nous étions si confiants !

DRAME | Auteur : William Shakespeare – Mise en scène : Alison Darcy – Décors : Veronique Bertrand – Éclairages : Nicolas Descôteaux – Costumes : Véronique Bertrand  – Comédiens : Amanda Lisman (Desdemona), Gitanjali Jain (Boy / Bianca), Daniel Brochu (Cassio), Sean Arbuckle (Iago), Daniel Lillford (Duke of Venice), Julie Tamiko Manning (Emilia), ainsi que Paul Hopkins, Marecel Jeannin et Maurice Podbrey  | Durée : 2 h 40 (1 entracte)  – Représentations : Jusqu’au 1er décembre 2013 – Centre Segal .

COTES
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