31 janvier 2014
Depuis plusieurs années le Cinéma du Parc à Montréal présente, dans le mois précédent la soirée des Oscars, un long programme des courts métrages de fiction et d’animation qui concourent à ces prix. Cette année un programme distinct contient deux des courts documentaires. Ce concours, comme beaucoup d’autres en plus d’apporter une gloire universelle à certains, donne à ces réalisateurs une carte de visite qui leur ouvrira certainement des portes et même des avenues de création.
Dans la section animation, Get a Horse ! de Lauren MacMullan était présenté avant le long Frozen et a donc bénéficié d’une grande visibilité qui sied parfaitement à cet hommage ludique aux premiers films de Mickey Mouse produits par Disney, employant les possibilités qu’offre la stéréoscopie avec traversée de l’écran, renversement littéral de situations et circularité dans la narration. Daniel Sousa revisite avec Feral une histoire semblable à celle de L’Enfant sauvage de Truffaut dans un très beau noir et blanc. Laurent Witz crée par imagerie numérique un univers steampunk où l’agoraphobe Mr Hublot se meut difficilement mais y trouve un animal de compagnie particulièrement envahissant. Dans un monde nippon moyenâgeux aux accents de Kwaidan, Shuhei Morita organise la rencontre improbable d’un voyageur, homme à tout à faire, avec des objets de la vie courante qui ont acquis une âme. Possessions, par sa construction narrative étonnante et son foisonnement de couleurs, réussit à nous intriguer et à nous charmer et on peut espérer qu’il gagnera le fameux trophée. Manque à ce programme Room on a Broom, film britannique de Max Lang et Jan Lachauer, conte sur l’amitié et l’entraide mettant en scène une gentille sorcière et des animaux voyageant sur son balai.
En fiction, le meilleur film est le Français Avant que de tout perdre de Xavier Legrand produit par Alexandre Gavras, gagnant à Clermont-Ferrand, employant avec bonheur et rigueur l’unité de temps et de lieu pour un lente course-poursuite dans un supermarché où une employée (Léa Drucker) tente de mettre une grande distance avec son mari ultra-possessif et violent. La réalisatrice finlandaise Selma Vilhunen monte un beau talent de comédie dans le trop court Do I Have to Take Care of Everything? alors que son voisin nordique, le Danois Anders Walter réussit à ne pas surcharger de sentimentalisme le conte hospitalier qu’est Helium. Le Britannique Mark Gill adapte une œuvre de David Mitchell, l’auteur de Cloud Atlas, The Voorman Problem, duel psychiatrique dans une prison servi par deux très bons acteurs sur l’existence de Dieu et de la Belgique mais qui se termine trop abruptement.
Seuls deux portraits d’artistes font partie du programme documentaire. Tout d’abord The Lady in Number 6 de Malcolm Clarke, coproduction américano-canadienne, nous présente une centenaire très étonnante, la pianiste survivante de l’Holocauste Alice Herz Sommer qui nous communique sa joie de vivre et son entrain à jouer encore très bien de son instrument à cet âge très vénérable. La narration du réalisateur est un peu trop présente dans ce rappel de cette biographie mouvementée à laquelle des amies de l’artiste viennent apporter un éclairage tout aussi intéressant.
Ra Paulette est un Américain sculpteur-paysagiste, creusant dans les falaises de grès du Nouveau-Mexique des cavernes aux allures de cathédrales et ce en n’utilisant que pelle et pioche. À plus de soixante ans, il continue d’être aussi intransigeant dans son art, récoltant conflits avec ses employeurs qui gardent pour eux ses chefs d’œuvre. Le personnage a malgré tout un certain sens critique sur ses choix de vie et la caméra de Jeffrey Karoff le suit dans ses couloirs ornés, mêlant ombre et lumière dans cette contrée aride de Cavedigger.
Un court de Sara Ishaq Karama Has No Walls sur l’équivalent de la place Tahrir à Sana, capitale du Yémen, est aussi en lice dans cette sélection des comités de l’Académie qui cette année apparaît encore plus internationale par ses sujets et ses auteurs
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