18 janvier 2014
Au début, il y a un statisme persistant, presque dérangeant, dans la mise en scène de Claude Poissant, laissant ses comédiens simplement réciter leurs textes. Ce n’est que lorsque le personnage de Marie Tudor entre en scène que ce drame romantique commence à prendre son envol, permettant aux spectateurs de suivre l’action avec plus d’intérêt. Julie Le Breton donne à cette reine, déchirée entre son devoir de femme d’état et ses tourments intimement affectifs, une force d’évocation, voire même une sensualité contenue, une verve à la fois puissante et décontractée. Le Breton habite l’espace théâtral, magnifiquement composé, avec autant de sensibilité que de prouesse dans l’art de l’interprétation. Pour son temps, femme libre, elle incarne une certaine forme de féminisme avant l’heure.
Mais il y a aussi une époque de l’Histoire d’Europe. Victor Hugo n’hésite pas à la critiquer, à la déformer selon des codes d’écriture libre de ses mots, de ses phrases, de ses nuances. Le pouvoir est le thème central de cette pièce. Comment le dompter ? De quel façon le vivre ? Comment ne pas succomber aux violences de l’État ? Car le pouvoir, c’est surtout l’État. Ces ingrédients narratifs transforment le drame en un thriller à la fois politique et sentimental et prouve jusqu’à quel point le classicisme théâtral cède la place au romantisme scénique.
En ce qui a trait au récit, nous le suivons avec toute la curiosité voulue. Mais ce sont surtout les comédiens qui, lorsque présents autour de cette reine diabolique, arrivent à nous convaincre de la force de leurs personnages. Quelques interprètes se transforment même en musiciens, sur fond de scène, dans un petit coin à droite, proposant des mouvements de musique renvoyant à une certaine réalité sociale. Entre le pouvoir, la passion et les responsabilités étatiques d’une femme, pour l’époque hors-norme, Marie Tudor se savoure tout comme en lisant attentivement un livre d’histoire érudit et édifiant.
DRAME ROMANTIQUE | Auteur : Victor Hugo – Mise en scène : Claude Poissant – Éclairages : Erwann Bernard – Musique : Philippe Brault – Décors : Jean Bard – Costumes : Marc Sénécal – Interprétation : Julie Le Breton (Marie Tudor), Jean Philippe Perras (Fabiano Fabiani), David Boutin (Gilbert) Simon Lacroix (l’homme juif), Rachel Graton (Jane), ainsi que Lucien Bergeron, Kevin Houle, Jean-Simon Leduc, Michel Mongeau, David Savard et Richard Thériault | Durée : 2 h 15 (avec 1 entracte) – Représentations : Jusqu’au 12 février 2014 – Théâtre Denise Pelletier (Grande Salle).
COTE
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