13 février 2014
En quelques mots
★
Depuis quelque temps, la Beat generation inspire le cinéma américain, comme le prouvent l’adaptation décevante de Walter Salles, On the Road (2012) et celle de John Krokidas, Kill Your Darlings (2013), sur la rencontre Ginsberg-Burroughs-Kerouac. C’est maintenant au tour de Michael Polish de s’attaquer à l’univers des Beat. Avec ses airs de téléfilm, son Big Sur est tout simplement raté. Polish y présente certes Big Sur et ses forêts luxuriantes aux arbres immenses, ses falaises vertigineuses, sa mer agitée et sa lumière si unique. Cependant, ses images ne respirent pas – et c’est ce qui rend d’emblée le film imbuvable –, car elles sont constamment malmenées par un montage trop saccadé. Pourquoi composer d’aussi beaux plans (quelques-uns sont réellement magnifiques) si le spectateur n’a pas le temps de les contempler?
Comme c’était le cas dans l’adaptation de Salles, le Jack Kerouac de Polish est trop lisse et manque de tonus. Le film donne à voir le triste spectacle d’un groupe d’acteurs de second plan mal dirigés (Patrick Fischler, Henry Thomas et Balthazar Getty, notamment). Un fin lecteur de Kerouac sait qu’incarner le mythique Neal Cassady est une tâche colossale que peu d’acteurs peuvent accomplir. Très (trop) présente dans le film, la voix off sans relief de Jean-Marc Barr ne reproduit aucunement le débit si singulier de Kérouac. En réalité, lors de ses lectures publiques, l’auteur savait rendre la fluidité et la musicalité intrinsèques à sa prose. L’acteur peine également à rendre tangible l’infinie tristesse qui caractérisait l’homme à la fin de sa vie.
En outre, Big Sur reste cruellement en surface. Le film ne s’attarde pas suffisamment aux motifs derrière l’isolement du personnage, isolement motivé en bonne partie par la haine du monde extérieur et du statut de vedette qui l’accable depuis la publication d’On the Road, en 1957.
Kerouac est en somme incapable de composer avec l’image mythique que les médias ont créée à son sujet. D’ailleurs, les documents d’archives du Steve Allen Show, que Polish inclut dans son adaptation, ne sont pas mises en contexte : cette présence télévisuelle de poète et romancier en 1959 sera en fait un des éléments qui le poussera à se rendre à Big Sur, détail qu’un spectateur qui n’a pas lu le roman ignorera. À la suite du visionnement de Big Sur, comme après celui d’On the Road, une question nous taraude : y aura-t-il un jour une adaptation cinématographique qui sera à la hauteur d’un tel génie ? >Jean-Philippe Desrochers
DRAME | Origine : États-Unis – Année : 2013 – Durée : 1 h 21 – Réal. : Michael Polish – Int. : Jean-Marc Barr, Kate Bosworth, Josh Lucas, Radha Mitchell, Anthony Edwards, Balthazar Getty – Dist. / Contact : Kinosmith | Horaires / Versions / Classement : Cinéma du Parc
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