5 mars 2014
À en juger par cette Architecture de la paix, toute renaissance, tout nouveau rapport au monde nécessite un parcours tumultueux, violent, sinueux, rempli d’obstacles et en fin de compte, malgré ces entraves, ce long chemin parcouru annonce la lumière, ouvrant les portes à l’espoir, rassemblant l’humanité.
Coproduction entre le Québec et le Portugal, soit entre Pigeons International et le Teatro São Luiz de Lisbonne, L’Architecture de la paix est avant tout une proposition à deux sens ; d’une part la construction d’une mise en scène qui rompt avec la tradition, faisant de l’espace théâtral un lieu de contestation, d’intervention et de remise en question, en plus de situer le corps et de reprendre l’emploi des mots dans un contexte engagé ; de l’autre, un texte, parfois intentionnellement métaphysique qui élève le théâtre au
Le texte d’Evelyne de la Chenelière est un pur combat, positivement interventionniste, bravant la tempête par le biais de mots et de paroles qui ne cessent de s’entrecroiser les uns aux autres. Des vocables qui donnent aux protagonistes des airs de combattants luttant pour un meilleur monde, pour une reprise de la parole perdue et par conséquent, donnant à la mémoire et au souvenir sa pérennité, essentielle à la survie.
La mise en scène de Paula de Vasconcelos participe étroitement aux choix des mots, faisant de l’espace théâtral un lieu de tous les possibles, là où l’individu est enfin libre de ses actes, des rapports qu’il entretient avec les autres. Ces fenêtres de pailles qui s’ouvrent et se referment ne sont après tout que la métaphore de la vie : naviguer d’un endroit à l’autre, aimer sans conditions, renaître, survivre et recommencer. Vasconcelos et de la Chenelière politisent leur création tout en la nourrissant d’une humanité à la fois chaleureuse et combative.
Même le choix des comédiens est un acte politique délibéré. Le Québec et le Portugal se joignent dans un jeu théâtral qui brise les barrières linguistiques et géographiques et le comportement humain. L’individu n’est qu’un. Tous les protagonistes sont unis par le même rapport au monde et à la vie. Oui, bien entendu, il y a un récit, celui d’un couple qui a tout perdu. Et c’est aussi l’histoire de leur fils qui vient de quitter l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte et entamer son premier rendez-vous avec l’amour. Il ne s’agit pas de dire s’ils sont bons ou pas. Il suffit de souligner que tous s’intègrent dans cet univers particulier, abscons par choix, libre de toutes contraintes, joué et chorégraphié et, en fin de compte, faisant de l’expérience théâtrale un véritable forum kinétique de la raison.
Dans toute sa complexité, L’Architecture de la paix est un parcours éclairé de l’âme et de la mémoire qui résonne comme un appel à refaire le monde, aujourd’hui assailli de tant de catastrophes naturelles et de celles inventées par l’Homme. C’est tout simplement subtilement édifiant.
DRAME EXPÉRIMENTAL | Auteure : Evelyne de la Chenelière – Mise en scène : Paula de Vasconcelos – Scénographie / Costumes : Paula de Vasconcelos – Musique : Hvetter Omry, Awicha – Éclairages : Stéphane Ménigot – Son : Owen Belton – Comédiens : Anna Brandão, Pascale Montpetit, Daniel Parent, Philippe Thibault-Denis, Carlos Mil-Homens (musicien sur scène) | Durée : Approx. 1 h 15 (sans entracte) – Représentations : Jusqu’au 22 mars 2014 – Espace Go.
COTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Remarquable. ★★★ Très bon. ★★ Bon. ★ Moyen. ☆ Mauvais. ☆☆ Nul … et aussi 1/2 — LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.
2024 © SÉQUENCES - La revue de cinéma - Tous droits réservés.