14 mars 2014
Fascinant collage d’images et de textes, Miron : Un homme revenu d’en dehors du monde, troisième long portrait d’artiste de Simon Beaulieu (après Lemoyne et Godin), est plus qu’un documentaire monographique. Oui, c’en est un, tellement les mots de Gaston Miron, livrés de sa propre voix chaude, résonnent et résonneront même une fois les 70 minutes envolés. Ils forment le fil narratif, ils en sont la raison. Cependant, ce portrait peu conventionnel, peu biographique, voire dénué de toute référence explicite à une date, à un lieu, dépasse la figure qu’il célèbre. C’est tout à l’honneur de Miron: le film Un homme revenu d’en dehors du monde dresse un vibrant hommage à la création, à son pouvoir évocateur, à son caractère intemporel et rassembleur. Les métaphores du poète décédé en 1996, qui voulait, disait-il, « donner à ce pays une légende, une légende du futur, lui donner un projet global », en sont le meilleur exemple.
Simon Beaulieu, lui, se montre redevable de ses pairs, qui l’ont précédé. Ce n’est pas pour rien si le documentaire commence par une citation de Miron qui demande « pardon aux poètes de les avoir pillés ». Quelque part, c’est, déjà, le réalisateur qui s’exprime. La totalité de ce qui suivra, est un imposant défilé d’archives, celles léguées par la famille de faiseurs d’images du Québec. Beaulieu s’est abreuvé ici et là, chez Arcand comme chez Aquin, et de ce bouillon de culture, il en a tiré un produit unique, nouveau, où se succèdent de manière alambiquée scènes de manifs et paysages à vol d’oiseau.
Ce melting pot garde sa cohérence, son homogénéité, à travers le discours de Miron, dont le combat est à la fois personnel et collectif. « Je m’entête à exister », dira-t-il. Une grande part de la créativité du film repose sur le traitement réservé aux images. La tâche a été confiée à Karl Lemieux, un artiste connu pour son approche très matérielle du cinéma, très filmique. Les textures, les raturages et autres effets qu’il provoque sont en adéquation avec le propos porté par ce singulier portrait de Miron. Il est question de la sauvegarde d’une identité, d’une culture, et de la volonté de la collectivité d’y faire face. « Nous sommes à un seuil : ou nous nous assumons, ou nous nous auto-détruisons », clame le poète.
Film politique ? Sans aucun doute. Film politisé ? Non, du moins pas dans le contexte actuel de charte et de débats sans queue ni tête. Simon Beaulieu prône pour une identité québécoise, où la mémoire collective n’oublie pas son histoire culturelle.
DOCUMENTAIRE | Origine : Canada [Québec] – Année : 2014 – Durée : 1 h 20 – Réal. : Simon Beaulieu – Dist. / Contact : Les Films du 3 mars | Horaires / Versions / Classement : Excentris
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