En salle

Only Lovers Left Alive

25 avril 2014

En quelques mots

Texte : Guillaume Potvin
Cote : ★★★★

L’appréciation esthétique et l’esprit créatif qui habitent les personnages plagiés par Schubert et Shakespeare les placent en frange de la société tout autant que leur vampirisme, et c’est cette marginalité même qui leur octroie un recul lucide sur l’humanité. Si le blasement généré par l’immortalité des vampires de Near Dark (1987) avait fait de ceux-ci des vandales historiques (« Remember that fire we started in Chicago ? »), il n’aura provoqué qu’un profond cynisme chez Adam et Eve. Par l’entremise de ces protagonistes, Jarmusch anticipe l’avenir proche avec hardiesse. « Have the water wars started ? » « No, they’re still all about oil. », échangeront ironiquement ces créatures de la nuit qui sont, en quelque sorte, les homologues hémophages des penseurs visionnaires et artistes perspicaces constamment détractés par une droite bien-pensante.

Adam et Eve ont vu des empires s’ériger et des empires s’effondrer. L’écroulement de Detroit, ancienne capitale mondiale de l’automobile, cet ultime simulacre de liberté n’est pour eux qu’un autre symptôme de la bêtise humaine. Au-delà de la perte généralisée de sensibilité esthétique, des inégalités sociales et des injustices commises au nom d’une course effrénée au progrès et aux profits, un facteur universel influence l’irrationalité humaine : l’étroite perspective historique qu’engendre notre – relativement parlant – courte espérance de vie. Les longs plans contemplatifs et enivrants qui se fondent les uns dans les autres, au rythme langoureux des accords de guitare ténébreux, incitent à ralentir et à nous laisser submerger par les images, les sons, les mots. Voilà l’exploit auquel parvient Jarmusch avec ce dernier film. Devant une telle dilatation temporelle, nous sommes confrontés à notre propre expérience de la quatrième dimension et, par extension, à notre propre mortalité. Only Lovers Left Alive est un avertissement. Une épitaphe gravée en guise de présage du sort qui attend notre société anémique. Un hymne funèbre pour une espèce au déclin imminent.

Sortie : Jeudi 17 avril 2014
V.o. : Anglais
S.-t.f. – Les Derniers Amants

[ DRAME ]
Origine :
Allemagne / Grande-Bretagne / France – Année : 2013 – Durée : 2 h 03 – Réal. : Jim Jarmusch – Int. : Tom Hiddleston, Tilda Swinton, John Hurt, Mia Wasikowska, Anton Yelchin, Jeffrey Wright – Dist./Contact : Métropole | Horaire/ Versions/Classement : Cineplex – Excentris

MISE AUX POINTS
★★★★★ (Exceptionnel★★★★ (Très Bon★★★ (Bon) ★★ (Moyen(Mauvais) 0 (Nul1/2 (Entre-cotes) / LES COTES REFLÈTENT UNIQUEMENT L’AVIS DES SIGNATAIRES.

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